Histoire du rexisme à Charleroi : un Prix d'excellence
Esprit Libre : Votre mémoire de licence en histoire avait pour titre " Le rexisme et l'ordre nouveau à Charleroi de 1933 à 1944 ", sous la
direction du professeur Gotovitch. Pourquoi avoir étudié ce sujet ?
Flore Plisnier : J'ai une attirance pour cette période, sans doute liée à l'émission télévisée " Jours de guerre ", d'ailleurs. Nous la regardions
à la maison, cela a dû éveiller mon intérêt. Je voulais donc présenter un mémoire sur la IIe guerre mondiale. La résistance
était le sujet en vogue : j'ai dès lors préféré prendre le contre-pied et m'intéresser au rexisme et à l'ordre nouveau. Sans
doute aussi pour tenter de comprendre pourquoi des citoyens avaient suivi ce mouvement.
Esprit Libre : Charleroi est-il " atypique " pour que vous ayez centré votre mémoire sur cette ville ?
Flore Plisnier : Je suis Hennuyère et je voulais étudier le rexisme dans ma province, mais j'ai très vite constaté que c'était trop vaste.
Je me suis donc concentrée sur Charleroi où les archives sont très bien tenues, bien classées et accessibles.
Esprit Libre : Sans entrer dans la précision de votre mémoire, pouvez-vous nous brosser en quelques mots l'époque, de 1933 à 1944 à Charleroi
?
Flore Plisnier : Le rexisme s'est implanté très tôt à Charleroi : il y est présent déjà en 1933 alors qu'à l'époque, il ne se présente pas
encore comme un parti politique mais bien comme un mouvement catholique de droite voulant le renouveau du système politique,
critiquant le modèle parlementaire, dénonçant des " magouilles " financières, etc. Cette présence du rexisme dans un bassin
ouvrier socialiste tel que Charleroi m'a surprise. Elle a conduit à des affrontements directs : les meetings de Léon Degrelle
se terminaient souvent en bagarre, avec intervention de la gendarmerie. Le parti Rex se présentera aux élections de 1936.
Degrelle veut alors arriver au pouvoir à tout prix : il provoque des élections partielles à Bruxelles en 1937 qui se solderont
par un échec pour lui puisque les partis démocratiques se sont unis pour présenter un candidat unique qui remportera les élections.
Degrelle est battu, le rexisme décline. Lors des élections communales de 1938, les rexistes se présenteront dans 15 communes
du grand Charleroi : il n'y aura qu'un élu, à Charleroi-ville.
Esprit Libre : Malgré tout, le rexisme restera présent à Charleroi...
Flore Plisnier : Oui, puisque deux bourgmestres rexistes se succèderont : le premier sera assassiné par la résistance en novembre 1942, le
second en août 1944. Ce qui donnera lieu à des représailles sanglantes : à la fin de la guerre, 27 civils - dont des femmes,
des enfants, un prêtre - qui avaient eu la malchance de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment, seront assassinés
à Courcelles, à côté de Charleroi. Fait étonnant, des membres de l'état-major rexiste sont venus de Bruxelles pour participer
à cet assassinat massif.
Esprit Libre : Historienne, vous vous intéressez aussi à la politique. Vous avez d'ailleurs réussi un DEC en sociologie politique à l'ULB.
L'extrême-droite est malheureusement un sujet d'actualité. L'histoire de ces années 1930 et 40 nous aide-t-elle à comprendre
la montée de l'extrême-droite qui a choqué lors des dernières élections, notamment à Charleroi ?
Flore Plisnier : Il y a une grande différence entre les années 30 et aujourd'hui : Rex s'est présenté aux élections de 1936 et a très vite
connu le déclin alors qu'aujourd'hui, l'extrême-droite ne cesse d'augmenter, élection après élection. Le déclin de Degrelle
et du rexisme est étroitement lié à la réaction des partis démocratiques de l'époque : ces partis ont fait alliance et présenté
un candidat unique contre Degrelle. Aujourd'hui, on a parfois l'impression que les partis politiques ne se rendent pas compte
du danger de l'extrême-droite et de la gravité de la situation. Une des priorités devrait être, je pense, de rouvrir le dialogue
au niveau communal, de diminuer la distance entre le citoyen et le politique. Allons-nous encore attendre le résultat des
prochaines élections pour réagir ?
Esprit Libre : Le Prix d'excellence visait à récompenser un travail de fin d'études contribuant au développement économique, social ou culturel
de Charleroi ou à une meilleure connaissance de celle-ci. Qu'en est-il de votre mémoire ?
Flore Plisnier : Mon mémoire d'histoire est sans doute devenu un mémoire d'actualité avec les résultats des dernières élections. Le bourgmestre
de Charleroi m'a déjà demandé de donner un exposé devant la commission qui a été récemment mise en place à Charleroi, en vue
de lutter contre la montée de l'extrême-droite.
Nathalie Gobbe
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Historienne de 24 ans, Flore Plisnier s'est classée 3e au Prix d'excellence de la Ville de Charleroi. Rencontre avec cette
jeune diplômée de l'ULB qui s'est penchée sur le rexisme des années 30 dans la cité carolo.
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Le pays de Charleroi. De l'occupation à la libération. 1940-1944, Ouvrage sous la direction de Jean-Louis Delaet, Charleroi,
1994.
Prix d'excellence 2005
La Ville de Charleroi lance une nouvelle édition du Prix d'excellence visant à récompenser un travail de fin d'études réalisé
en 2003/2004 ou 2004/2005, consacré à la Ville de Charleroi, et pouvant contribuer à son développement économique, social
ou culturel ou à une meilleure connaissance de la ville.
1er prix : 3.000 euros, 2e prix : 2.000 euros, 3e prix : 1.000 euros. Inscription avant le 1er octobre 2005.
Informations : 071 86 12 03 http://www.charleroi.be (rubrique " actualité-nouveautés ")
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