Infertilité et cerveau chez la souris
Les premiers résultats remontent à 2002 déjà : à l'époque, le Laboratoire de biologie du développement de l'IBMM montrait
que des souris privées du gène de l'alphafoetoprotéine (AFP) étaient stériles. Chez la souris femelle, une cause d'infertilité
était donc un défaut génétique au niveau du gène de l'alphafoetoprotéine (la protéine sérique majeure du foetus). Et chez
la femme ? Des analyses sont toujours en cours auprès de l'asbl BioVallée.
Sous la direction de Claude Szpirer et de Josiane Roscam, l'équipe de l'IBMM a poursuivi de son côté ses recherches sur la
souris. Deux questions majeures étaient en effet encore sans réponse : Que se passe-t-il dans le cerveau lorsque l'AFP est
absente (on savait que la cause de l'infertilité ne se situait pas dans les ovaires, mais en amont) ? Et, comment l'alphafoetoprotéine
agit-elle ? Pour répondre à ces questions, le laboratoire de l'ULB s'est associé au Centre de neurobiologie cellulaire et
moléculaire de l'ULg : les résultats de leurs travaux sont publiés dans deux revues scientifiques, Nature Neuroscience et
Molecular and Cellular Biology.
Masculinisation du cerveau
Pour comprendre leurs travaux, il faut savoir qu'en phase foetale, les oestrogènes contribuent à la masculinisation du cerveau.
Ainsi, une simple dose d'oestrogènes donnée à un nouveau-né rat femelle va empêcher son cerveau de développer des cycles d'ovulation.
L'exposition du cerveau de souris femelles aux oestrogènes conduira à une déféminisation, voire une masculinisation des souris
et réduira d'autant leurs chances de se reproduire.
Les chercheurs savaient que l'AFP transporte les oestrogènes : lors du développement du cerveau, elle pourrait donc contribuer
à la différenciation sexuelle qui s'y opère. Ils se sont intéressés à l'hypothalamus (zone du cerveau qui contrôle la différenciation
sexuelle) et à l'hypophyse sur laquelle agit une hormone secrétée par ce dernier. Les chercheurs ont détecté des anomalies
moléculaires dans cette voie de signalisation hypothalamus-hypophyse chez les souris dépourvues du gène de l'AFP. En d'autres
mots, il est démontré que l'absence d'AFP pendant la vie foetale introduit un défaut permanent dans l'axe hypothalamus-hypophyse,
et qui touche la différenciation sexuelle.
Deux théories
Jusqu'à présent, on ignorait le rôle exact du couple oestrogènes - alphafoetoprotéine dans la formation du cerveau mâle ou
femelle. Deux théories s'opposaient en effet dans la littérature scientifique. La première avançait que l'AFP servait principalement
à protéger le cerveau féminin d'une masculinisation par les oestrogènes en les fixant et en empêchant leur passage dans le
cerveau. L'AFP jouerait donc un rôle de tampon. La seconde théorie avançait en revanche que l'AFP avait un rôle actif en transportant
les oestrogènes dans le cerveau en lieu et temps voulus et donc que les oestrogènes et l'AFP jouaient également un rôle actif
dans le développement du cerveau femelle.
Pour trancher entre les deux théories, les chercheurs ont bloqué la production d'oestrogènes chez des foetus de souris invalidées
(sans gène de l'AFP) : les souris nées de cette gestation " sans AFP, sans oestrogènes " se sont révélées fertiles, s'accouplant
et présentant en outre une expression génétique normalisée dans le cerveau. Bref, des souris saines. Les chercheurs ont pu
ainsi démontrer que lorsqu'on enlève les oestrogènes, l'AFP n'est plus nécessaire. Et de conclure que pendant la période prénatale,
chez les femelles, l'alpha-foetoprotéine jugule une masculinisation induite par les oestrogènes en fixant ceux-ci et en empêchant
donc leur accès au cerveau.
Qu'en est-il pour la femme ?
Les constats chez les souris femelles ne peuvent bien évidemment pas être transposés tels quels aux femmes stériles. Et rien
ne dit aujourd'hui qu'il existe des mécanismes similaires entre rongeurs et humains. Reste que l'hypothèse doit être posée
: le laboratoire de l'IBMM va poursuivre dans cette voie dans les prochains mois.
Nathalie Gobbe
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Depuis plusieurs années, des chercheurs de l'IBMM s'intéressent à l'alphafoetoprotéine et à son rôle dans l'infertilité des
souris femelles. En collaboration avec une équipe de l'ULg, ces chercheurs viennent de franchir une nouvelle étape pour mieux
comprendre les mécanismes de cette infertilité, et ce faisant, de la différenciation sexuelle du cerveau.
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