Paix et citoyenneté : croiser les regards
Esprit libre : En 5 ans, le Pôle a tenté d'insuffler une " culture de paix " à l'ULB ; notamment au travers de son implication dans certains
cours...
Eric Remacle : Il y a eu un approfondissement de la thématique de la paix dans un nombre significatif de cours à l'ULB. Nous voudrions à
présent créer des cours permanents. La Faculté des Sciences vient de lancer un cours consacré au thème " sciences, guerre,
paix et développement ", et destiné à un auditoire large puisqu'il s'adresse aux étudiants en 1re année de BA. D'autres projets
du même type sont en cours de discussion, par exemple un cours sur les causes de la conflictualité où se croiseraient les
regards des anthropologues, des sociologues, des psychologues, des philosophes qui ont chacun leur propre grille d'analyse.
Esprit libre : Dans les problématiques de paix, quel est le rôle de l'expert ?
Eric Remacle : Séparer " le scientifique " de " la société " n'a pas de sens. Les " experts " sont aussi des citoyens qui prennent part aux
débats de société. Mais il est vrai que les savoirs construits par l'engagement des citoyens sont différents de ceux fondés
sur la démarche scientifique. Le dialogue entre ces savoirs différents s'avère fécond. Pour comprendre, par exemple, la problématique
du " vivre ensemble ", il est tout aussi important, d'un point de vue " citoyen ", de s'appuyer sur les expériences concrètes
du monde associatif (par exemple la lutte récente des sans-papiers) que sur les réflexions des historiens, des spécialistes
de la littérature, des sociologues, des psychologues sociaux qui cherchent à comprendre les mécanismes de formation et de
représentation des identités collectives, des conflictualités, et des modes de résolution des conflits. Notre approche vise
aussi à diffuser ces savoirs venant de la société, des enseignants du secondaire ou du monde associatif. Nous venons notamment
de rééditer notre vade-mecum des outils pédagogiques sur la paix à destination des écoles.
Esprit libre : Quelles sont les perspectives de développement du Pôle ?
Eric Remacle : Nous comptons nous appuyer sur l'acquis des cinq dernières années pour renforcer notre rôle de plate-forme de réseaux européens
spécialisés dans les questions de la paix. Bruxelles représente désormais un centre politique de premier plan comme siège
des institutions européennes et il s'agirait de fédérer des expertises sur des thèmes cruciaux : le maintien de la paix, l'assistance
aux États dits " fragiles " après les conflits, la non-prolifération nucléaire, les armes biologiques et chimiques. Comme
centre de recherche de l'Institut d'études européennes, il est naturel que nous contribuions au développement des peace studies
européennes.
Esprit libre : Le Pôle s'est aussi ouvert à des partenaires extérieurs...
Eric Remacle : En effet, notre assemblée générale compte désormais une quinzaine de collègues belges ou étrangers. Notre ouverture sur le
monde associatif et les fondations devrait lui aussi se poursuivre par une recherche-action sur les nouveaux enjeux citoyens
au sein de la " grande Europe ". De nouvelles luttes sociales se font jour, ainsi que des combats contre les dangers pour
les libertés. Pensons aux discriminations et revendications en matière de droits des femmes, des minorités sexuelles, des
minorités nationales, des Roms. Avec la formation progressive d'un espace public paneuropéen, il y a là un vaste champ de
réflexion sur les mouvements sociaux, la démocratie participative, les solidarités transnationales. Une manière de plus de
lier paix et citoyenneté...
Alain Dauchot
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Depuis cinq ans, le Pôle Bernheim paix et citoyenneté déploie ses ailes sur nos campus. Abrité au coeur de l'Institut d'études
européennes, il tente de diffuser une " culture de paix " au travers d'activités de recherches, de cours spécifiques, d'un
travail d'édition, de colloques. Rencontre avec Eric Remacle, un directeur heureux du chemin parcouru et impatient d'aller
plus loin encore, à la croisée des regards interdisciplinaires.
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5 ans
À l'occasion d'un colloque le 10 mars, le Pôle retrouve les cinq spécialistes des questions de paix qui se sont succédé comme
titulaires de la Chaire Bernheim...
Eric Remacle : Les quatre thèmes abordés regroupent les grands axes de recherche suivis pendant ces cinq années : ordre et
désordre international, penser les sciences dans la société, vivre ensemble, dire et écrire la guerre et la paix. La Chaire
Bernheim a débuté ses activités avec une personnalité très impliquée dans la société civile : Pierre Calame, président de la Fondation pour le progrès de l'homme à Paris ; une amorce bienvenue puisqu'il nous a permis d'établir une
série de contacts avec de nombreux partenaires.
Nous avions ensuite reçu Anton Pelinka (Université d'Innsbruck), spécialiste de l'extrême-droite et de l'antisémistisme. C'était un symbole des combats de l'ULB
et le choix d'une personnalité très engagée dans une réflexion académique sur la citoyenneté. Un thème que nous avons approfondi
avec notre quatrième titulaire, Jane Jenson, de l'Université de Montréal.
Le thème de la paix fut l'enjeu de la chaire attribuée à William Zartman, spécialiste de la résolution des conflits ; ce qui nous a conduit à travailler sur l'Afrique des grands lacs. Enfin, cette
année, Vandana Shiva nous a permis d'aborder des thèmes d'interaction entre la problématique des savoirs scientifiques et de leur intégration dans
la société.
À voir : exposition sur le thème " Passeurs de frontières " du 10 au 16 mars.
Plus d'infos : www.polebernheim.net
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