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Les enseignements d'une riche année électorale en Europe

Les élections présidentielles et nationales françaises de même que les élections nationales aux Pays-Bas, au printemps 2002, ont indiscutablement frappé les imaginations.

En France, la faiblesse du taux de participation le 21 avril 2002, la présence de Jean-Marie Le Pen au deuxième tour, et donc, l'élimination de Lionel Jospin dès le premier ont créé un véritable séisme.

Aux Pays-Bas, après la percée aux élections communales de février, Pim Fortuyn a marqué de son empreinte la campagne électorale. Son assassinat, quelques jours avant le scrutin, a traumatisé un pays qui n'avait jamais connu de meurtre politique depuis l'instauration de la démocratie. La victoire des listes Pim Fortuyn et la défaite cinglante du PVDA ont été deux des traits marquants de l'élection.

À partir de ces deux moments électoraux forts, certains ont généralisé des conclusions propres à ces scrutins : envol de l'abstention, sanction contre les gouvernements sortants, échecs répétés de la social-démocratie, ou encore envolée des partis d'extrême droite. En vérité, ces observations ne sont pas généralisables.

De janvier 2002 à janvier 2003, un grand nombre de scrutins nationaux ont eu lieu en Europe : Allemagne, Autriche, France, Hongrie, Pays-Bas (deux fois), République tchèque, Slovaquie, et Suède . Aucune des caractéristiques relevées ci-dessus n'a été relevée dans l'ensemble des scrutins de cette période. Le seul enseignement est qu'il n'y a eu aucun mouvement d'ensemble.

En Allemagne, en Autriche, en République tchèque, en Slovaquie et en Suède, les " sortants " ont remporté les élections alors qu'en France, en Hongrie, aux Pays-Bas, l'inverse s'est produit.

Dans la plupart des scrutins sauf en France, on a aussi pu relever une stabilisation voire une petite amélioration des taux de participation.

La même remarque vaut d'ailleurs pour la social-démocratie, dont les performances électorales et politiques ont été meilleures que durant l'année électorale 2001 où elle avait enregistré de sévères défaites - au Danemark, en Norvège, au Portugal -, à peine compensées par la victoire de Tony Blair en Grande-Bretagne. En Allemagne (d'extrême justesse), en République tchèque, et en Suède, les partis sociaux-démocrates ont conservé leur pouvoir et leur statut de premier parti. En Hongrie, ils l'ont conquis face au premier ministre sortant Orban. En revanche, les formations socialistes ont perdu le pouvoir en France et aux Pays-Bas. Dans ce dernier cas, le scrutin de janvier 2003 a sensiblement amélioré la performance du PVDA et laisse peut-être ouverte la porte d'un retour au pouvoir. En Autriche, le SPÖ a progressé mais beaucoup moins que son adversaire conservateur de l'ÖVP. Enfin, l'élection slovaque s'est déclinée sous la forme d'une véritable Bérézina pour la gauche sociale-démocrate slovaque. Sur cette problématique aussi, le tableau n'est donc guère uniforme.

Qu'en est-il enfin de l'extrême droite ? En la matière, l'approche mérite aussi d'être nuancée. Si Jean-Marie Le Pen a décroché un score historique au premier tour de l'élection présidentielle (et même au deuxième), la performance de l'extrême droite française aux élections nationales a été très décevante pour elle. Contrairement à la situation qui a prévalu au scrutin de 1997, elle n'a eu qu'une présence et qu'un impact limités lors du deuxième tour. Aux Pays-Bas, le succès des listes Pim Fortuyn n'a été qu'un feu de paille. Après une participation gouvernementale de 100 jours à peine, le gouvernement a rendu son tablier et a organisé une nouvelle élection de laquelle cette formation est sortie considérablement affaiblie. La participation gouvernementale a également coûté très cher au FPÖ autrichien. Alors qu'il avait conquis 27% des suffrages en 1999, le parti de la liberté n'a engrangé " que " 10% des voix à l'automne 2002. Dans les autres pays considérés, les résultats électoraux sont soit marginaux soit insignifiants. Le fait est significatif en Allemagne où d'aucun ont pu craindre ces dernières années une progression de l'Union populaire allemande (DVU) ou un come back des Républicains, qui avaient su franchir le seuil de 5% à l'élection européenne de 1989, sans pour autant jamais réussir ce résultat à l'occasion d'une élection nationale.

Pascal DELWIT
Directeur du Centre d'étude de la vie politique de l'ULB

Allemagne, Autriche, France, Hongrie, Pays-Bas, République tchèque, Slovaquie, Suède... Cette année, tous ces pays européens ont connu des élections nationales. Quels enseignements en tirer ? Et ces observations sont-elles généralisables ? Analyse.



 
  ESPRIT LIBRE > AVRIL 2003 [ n°12 ]
Université libre de Bruxelles