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Philip Mosley Le plus belge des Anglais d'Amérique ?

Esprit Libre : Vous êtes Anglais, vous êtes parti aux États-Unis dans les années 80 pour donner cours à la Pennsylvania state university. Quelles matières enseignez-vous ?
Philip Mosley : J'enseigne la littérature dite postcoloniale, la littérature comparée mais également des cours d'étude de ciné ma (introduction à l'esthétique et Histoire du cinéma).

Esprit Libre : En septembre 2003, vous êtes devenu titulaire de la Chaire américaine Fulbright à la Faculté de Philosophie et lettres de l'ULB. Vous y avez assuré un cours de littérature américaine...
Philip Mosley : C'est un cours habituellement donné par le doyen, Gilbert Debusscher ; il s'agit d'un aperçu sur la tradition des lettres américaines qui prend comme point de départ les grands auteurs du XIX e siècle jusqu'aux auteurs contemporains américains et afro-amé ricains.

Esprit Libre : Vous vous êtes intéressé aux é crivains belges, dès le début des années 70 ; vous êtes l'auteur de nombreuses traductions en anglais. D'où vous est venu cet intérêt pour les lettres belges ?
Philip Mosley : Un de mes professeurs à l'Université d'East Anglia (Norwich) où je faisais ma maîtrise et mon doctorat, m'avait proposé, lors d'un séjour en Belgique, d'entrer en contact avec un de ses amis belges. Ce monsieur m'avait invité à une séance de la Chambre des imagiers, un cercle d'écrivains et de peintres qui se réunissaient réguliè rement pour des lectures ou des débats dans un vieux garage reconverti, à Ixelles. Je m'y suis rendu un soir, et c'est là que j'ai rencontré le poète belge Werner Lambersy. Nous sommes devenus de très bons amis. C'est sans doute le déclic de mon amour pour les lettres belges ; j'ai commencé à faire des traductions, notamment des textes de Lambersy. Mon intérêt n'a fait que croître pour les lettres mais aussi pour toute la culture belge. J'ai retraduit Rodenbach (Bruges la Morte), un des auteurs que j'avais étudié pour ma thèse de doctorat consacrée au silence dans la littérature post-romantique. J'ai ensuite fait la connaissance de l'anversois francophone Guy Vaes et je me suis attaqué à son " Octobre long dimanche ". Actuellement, c'est le projet de traduction de " L'intelligence des fleurs " de Maeterlinck qui m'occupe.

Esprit Libre : Parallèlement, vous découvrez le cinéma belge vers la fin des années 70. Vous vous passionnez tellement pour le sujet que vous décidez d'en faire un livre : Split screen belgian cinema and cultural identity. Le premier en anglais sur le sujet...
Philip Mosley : C'est le fruit d'un long travail qui s'est étalé sur plusieurs années. La découverte des films de Delvaux, puis une rencontre avec ce cinéaste m'ont donné l'envie de démarrer ce projet. Cela m'a fait connaître énormément de films belges très différents, le réalisme magique, le film d'animation, le cinéma " post-industriel " de la Wallonie, proche du réalisme social d'un Ken Loach, par exemple... Pour moi, é tudier le cinéma belge était un excellent moyen pour aborder la question du biculturalisme en Belgique et l'identité culturelle belge.

Esprit Libre : Au-delà d'André Delvaux, quels sont les réalisateurs belges qui vous ont marqué ?
Philip Mosley : Les frères Dardenne. Rosetta, La Promesse, sont des chefs-d'oeuvres. Je m'intéresse beaucoup également au ciné ma de Jean-Jacques Andrien. Il y a bien sûr des réalisateurs, côté flamand, qui m'ont marqué au plan esthétique mais aussi au niveau idéologique et socio-politique, comme par exemple Robbe De Hert, assez iconoclaste. Mais il y en a beaucoup d'autres. La Belgique est un pays de cinéastes doués !

Esprit Libre : Vous préparez actuellement une é tude sur le cinéma de la culture charbonnière : un triptyque composé d'analyses de documentaires et de long-métrages belges, britanniques et amé ricains...
Philip Mosley : Ce sont des films qui parlent de la vie ouvrière, des communautés industrielles autour des terrils et des corons : des documentaires et des long-métrages de n'importe quelle époque. De " Borinage " d'Henry Storck, aux " Convoyeurs attendent " de Benoît Mariage. Je voudrais faire une comparaison entre ce qui s'est fait en Belgique sur l'histoire et la mémoire des ouvriers et ce qui a été tourné aux États-Unis et en Grande-Bretagne sur le même sujet. La région de Pennsylvanie où je vis est é galement un endroit où le charbon a marqué les gens et les lieux. Ce qui me passionne c'est ce qui rapproche ces hommes, les mêmes problèmes vécus. Le livre sortira en anglais chez un éditeur américain.

Esprit Libre : Vous retournez en Amérique. Quels souvenirs garderez-vous de votre passage à l'ULB ?
Philip Mosley : C'était la première fois que j'avais l'occasion de vivre au sein du monde universitaire belge. Les étudiants m'ont fort impressionnés par leur enthousiasme. Je garderai d'excellents souvenirs du Solbosch, un campus vraiment agréable à vivre au quotidien.

Alain Dauchot


Citoyen britannique de naissance émigré aux États-Unis, Philip Mosley a donné pendant un semestre un cours de littérature américaine à Bruxelles, dans notre Université. Ce spécialiste de la littérature belge est également un passionné du cinéma réalisé dans nos contrées. Avant de partir rejoindre son campus outre-Atlantique, le professeur Mosley nous a parlé des atomes crochus - et des projets - qui le lient à notre pays.



 
  ESPRIT LIBRE > AVRIL 2004 [ n°21 ]
Université libre de Bruxelles