LA TABLE D'AFFAIRES INVITE MICHEL ALLE
ESPRIT LIBRE : Business plan est-il le
maître mot du livre de la jungle des entreprises ?
Michel Allé : je le pense fondamentalement :
le business plan constitue l'élément clé des techniques modernes de stratégie
financière et est devenu un élément essentiel de la stratégie d'entreprise ;
mieux, je l'enseigne aux étudiants : un séminaire est consacré à ce sujet en
dernière année à la Solvay Business School. C'est dans ce cadre que j'ai
impliqué les étudiants dans l'analyse de ce cas de faillite qui a ébranlé la
Belgique.
ESPRIT LIBRE : Pourquoi les impliquer dans
une étude d'échec plutôt que de réussite : vous les incitez à la réussite
pourtant ?
Michel Allé : L'analyse d'un échec est riche
d'enseignement, on peut dégager une stratégie de l'échec et l'on a beaucoup à
apprendre à se confronter aux problèmes. C'était un beau cas pratique ! La
mission qui leur était confiée était d'analyser la situation de l'entreprise à
l'automne 1997 et de faire une recommandation de décision au conseil
d'administration de la Sabena : le conseil devait décider de renouveler la
flotte moyen-courrier (13 boeing hors norme et 15 très anciens) ; la
recommandation devait s'appuyer sur un business plan à 10 ans ayant comme
objectifs de créer de la valeur et de participer à la stratégie de croissance
de Swissair.
ESPRIT LIBRE : Etait-ce un exercice thé
orique ?
Michel Allé : Oui dans le sens où il
s'agissait du passé ; non en fait parce que les étudiants ont eu accès à un
nombre impressionnant de documents, non pas cachés mais qui n'avaient pas été
pris en compte, ils ont donc agi " comme si " un business plan pouvait être pré
senté au conseil. Ils ont analysé toutes les pistes et montré qu'on pouvait, je
devrais dire aurait pu, faire évoluer positivement les résultats nets et
diminuer sensiblement la dette financière. En analysant leurs graphiques, on
voit nettement que la stratégie de fait adoptée par la Sabena portait en elle
ses sources d'échec, diminuant la recette unitaire et le résultat net, sans
combler la dette financière, au contraire.
ESPRIT LIBRE : Pas de Business plan à la
Sabena à l'époque ?
Michel Allé : Il y en a eu un mais
il a été communiqué après la prise de décision d'achat des Airbus. Les
actionnaires auraient pu saisir l'impasse, si notamment la direction financière
avait attiré leur attention sur la dette financière ! Le vrai problème a été
dans le processus de prise de décision : il n'y avait pas de plan d'entreprise
préalable. La responsabilité apparaît comme systémique, les mécanismes de pré
caution n'ont pas fonctionné. L'enseignement final de la pratique du business
plan, comme outil de gestion équilibrée est de le concevoir avec modestie, bon
sens, raison, pragmatisme et méthode.
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L'UAE a invité à sa table d'affaires du 1er mars 2004, le Professeur
Michel Allé, Professeur à la Solvay Business School et Chief Finance Officer de
BIAC à l'occasion de la parution de son livre " SABENA, LA FAILLITE EVITABLE ".
Esprit Libre l'a interviewé. Si vous souhaitez connaître le contenu du
bouquin, lisez-le, ceci n'est pas un résumé
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