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L'activité volcanique, sous l'oeil du satellite

Grâce aux satellites, un réseau international de surveillance des éruptions volcaniques a été mis en place depuis quelques années. Son objectif : réduire les dangers que représente une éruption volcanique pour le trafic aérien. La majorité des éruptions injectent en effet à haute altitude des cendres volcaniques qui sont dispersées ensuite par les vents sur plusieurs milliers de km. Ces nuages de cendres silicatées constituent un risque majeur pour les avions de ligne si ceux-ci les traversent.

Les particules de cendres silicatées ont un pouvoir abrasif important provoquant des dégâts à la structure des avions (bord d'attaque des ailes, fenêtres du cockpit). Mais ces particules silicatées ont également la dangereuse propriété de fondre quand elles pénètrent dans la chambre de combustion des moteurs à réaction. Avec comme conséquence de provoquer l'étouffement et l'arrêt brutal du moteur...

Indétectables au radar

Les radars de bord des avions de ligne sont incapables de détecter un nuage de cendres émis par une éruption volcanique. Ceci explique qu'une centaine d'incidents plus ou moins graves ont été recensés depuis une vingtaine d'années. Fort heureusement, aucun n'a provoqué de catastrophe mais le coût de ces incidents en réparations ou pertes d'exploitation (re-routing ou annulation) est évalué à plusieurs centaines de millions de dollars pour les compagnies aériennes. Une des routes aériennes les plus fréquentées entre l'Amérique du Nord et l'Asie du Sud-Est longe une zone volcanique très active qui s'étend de l'Alaska au Japon en passant par les volcans des Aléoutiennes, du Kamchatka et des Kouriles. On estime que le trafic aérien est, en moyenne, perturbé pendant quatre jours chaque année par l'activité volcanique.

Medey !

Par exemple, un incident sérieux a eu lieu en 1989 au dessus de l'Alaska, où un Boeing 747 de la KLM en provenance d'Amsterdam - et qui était en approche avec 245 personnes à bord pour se poser sur l'aéroport d'Anchorage - a pénétré sans le savoir dans le nuage de cendres de l'éruption du volcan Redoubt. L'incident s'est produit à 250 km sous le vent du volcan et a provoqué l'arrêt instantané des quatre moteurs pendant plusieurs minutes. Mais grâce au sang froid du pilote, l'appareil s'est finalement posé sans encombre sur la piste d'Anchorage. Cet incident a coûté à la compagnie aérienne KLM la bagatelle de 80 millions US$, l'avion ayant été immobilisé pendant deux mois et ses quatre moteurs ayant dû être remplacés.

Les responsables de la circulation aérienne considèrent que le risque d'une rencontre entre un jet et un panache de cendres volcaniques ne fera qu'augmenter au cours des prochaines années en raison de l'intensification des transports aériens. Le nombre de vols civils devrait ainsi doubler au cours de la prochaine décennie.

Réseau international

Cette situation a conduit l'organisation de l'aviation civile internationale (OACI) à mettre en place, en collaboration avec les instances volcanologiques, un système d'alerte aux éruptions volcaniques qui doit permettre de prévenir les responsables de la circulation aérienne de toute éruption susceptible de constituer un danger pour les avions. Ce réseau international appelé VAAC (Volcanic ash advisory centers), qui a en charge la surveillance de l'espace aérien, utilise les données d'une batterie de satellites divers : AVHRR, MODIS, METEOSAT ou GMS. Des recherches soutenues sont actuellement effectuées afin d'améliorer les capacités de détection de ces nuages de cendres volcaniques. C'est notamment l'un des objectifs que poursuit notre laboratoire dont les travaux, en Indonésie, permettent également de prévenir les populations locales des risques d'éruptions volcaniques dans leur secteur.

Alain Bernard
Laboratoire de géochimie et minéralogie appliquée

Depuis une dizaine d'années, des progrès considérables ont été accomplis dans le domaine des satellites d'observation de la terre. Les instruments à bord de ces satellites (AIRS, MODIS, ASTER) deviennent de plus en plus performants et les méthodes de traitement d'images permettent d'obtenir des données de plus en plus précises sur les émissions de gaz volcaniques ou sur les variations de températures des lacs de cratère volcanique.
L'outil satellitaire est particulièrement utile en Indonésie, dont la chaîne volcanique s'étend sur plusieurs milliers de km, et où beaucoup de volcans sont d'accès difficile.



 
  ESPRIT LIBRE > AVRIL 2005 [ n°30 ]
Université libre de Bruxelles