Écosystèmes marins et changements globaux
L'océan régulateur du CO2
On estime aujourd'hui que l'océan absorbe 30 à 40% du CO2 émis chaque année dans l'atmosphère par les activités anthropiques.
Comprendre les mécanismes physiques, chimiques et biologiques qui régissent cette capacité d'absorption du CO2 par l'océan,
véritable " pompe " à carbone est essentiel pour prévoir sa capacité de régulation des changements climatiques. Les scientifiques
avaient comme hypothèse jusqu'à présent que la " pompe " biologique de carbone fonctionnait en deçà de sa capacité dans certaines
régions de l'océan, caractérisées par de faibles teneurs en fer, élément indispensable à la fixation photosynthétique du CO2.
Ils suggéraient aussi que les apports de fer à l'océan, plus importants durant l'âge glaciaire seraient à l'origine des températures
plus froides par stimulation de la fixation de carbone et donc de la " pompe " biologique.
Programme SOLAS
Cette hypothèse a été confirmée ces dernières années grâce à 12 expéditions scientifiques internationales qui ont permis
la réalisation d'expériences de fertilisation en fer dans 3 régions de l'océan mondial pauvres en fer. Pratiquement, une parcelle
d'eau a été enrichie en fer et échantillonnée durant 2 à 3 semaines pour en suivre l'effet sur le fonctionnement de l'écosystème
et de la " pompe " de carbone à partir d'échantillonnages et d'analyses réalisés dans la parcelle fertilisée. En novembre
2006, à l'initiative du programme international SOLAS, 22 scientifiques internationaux - parmi lesquels Christiane Lancelot
et Véronique Schoemann du laboratoire d'Écologie des systèmes aquatiques (ESA) de l'ULB - se sont réunis pour faire la synthèse
des acquis de ces expéditions. Les résultats ont été publiés en février dernier dans la revue Science : les chercheurs y
démontrent que les apports en fer contrôlent effectivement la fixation biologique de carbone dans un tiers de l'océan mondial
par ailleurs riche en nutriments majeurs (azote, phosphore, silicium) mais que la température et la lumière disponible dans
la colonne d'eau en déterminent la vitesse et l'amplitude. Autant d'informations qui aideront à mieux comprendre et modéliser
comment l'océan répond aux changements naturels et anthropiques pour peut-être demain mieux les contrôler. Il serait ainsi
possible de déterminer pendant combien de temps l'océan pourra encore absorber les émissions de CO2 rejeté par l'homme.
Modélisation
Seul partenaire belge de cette recherche internationale, l'ESA est un spécialiste de la modélisation déterministe, basée
sur la connaissance de la cinétique des processus biologiques. À la tête de ce laboratoire d'une quinzaine de personnes, Christiane
Lancelot explique : " Nous partons en mer prélever des échantillons et observer des phénomènes. Mais ces expéditions coûtant
cher, elles sont limitées. Nous menons donc nos recherches également en laboratoire, sur des espèces-clef prélevées dans le
milieu naturel. L'examen d'un échantillon prélevé dans un milieu aquatique révèle en effet la présence d'une multitude de
microorganismes de tailles et de fonctions différentes qui interagissent entre eux pour former la base d'un réseau trophique
aux propriétés remarquables dont la capacité à absorber et séquestrer le CO2. Le classement de ces micro-organismes selon
leur taille et fonction dans le réseau trophique permet de définir la structure du modèle déterministe. En laboratoire, nous
étudions la physiologie de la croissance des microorganismes et leur régulation ce qui permet de décrire mathématiquement
les interactions des microorganismes entre eux et avec les facteurs du milieu (température, lumière, nutriments). Petit à
petit, le puzzle se construit... Notre objectif ultime est de comprendre comment les écosystèmes aquatiques vont évoluer sous
la pression des changements anthropiques et naturels ".
TIMOTHY
Générique, la démarche est aussi appliquée à d'autres écosystèmes aquatiques et problématiques. C'est ainsi que l'ESA coordonne
un nouveau Pôle d'attraction interuniversitaire (TIMOTHY) financé par la Politique scientifique fédérale. L'objectif pendant
ces 4 ans de recherche, est de comprendre le lien entre les activités humaines et la qualité des eaux continentales et marines
en prenant le bassin de l'Escaut et la mer du Nord côtière comme cas d'école. Les chercheurs vont développer une série de
modèles couplés et de nouveaux traceurs afin de déterminer l'origine de différents polluants et de décrire leurs transformations
dans les différents systèmes aquatiques qui se succèdent depuis la source jusqu'à la mer. Ils travailleront sur une échelle
" - 50, + 50 ", reconstruisant ce qui s'est passé il y a 50 ans et anticipant ce qui devrait se produire dans 50 ans. Plusieurs
scénarios de diminution des apports de polluants seront testés. Originalité, les résultats obtenus seront évalués à la fois
en termes d'amélioration de l'état écologique des eaux mais également en termes socio-économiques sur base d'une analyse coût-bénéfice
menée par le Centre d'études économiques et sociales de l'environnement (CEESE) de l'ULB. Le dialogue interdisciplinaire se
noue...
Nathalie Gobbe
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Comment l'océan réagit-il aux changements climatiques et anthropiques ? Question majeure pour notre avenir qu'étudie le Laboratoire
d'écologie des systèmes aquatiques (ESA) de l'ULB. Ou comment contribuer à la définition d'une politique de développement
durable...
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