Responsable du Master en arts du spectacle vivant à l'ULB, André Helbo est heureux à plus d'un titre. D'abord parce que la réponse des étudiants à l'offre de ce Master orphelin (c'est-à-dire un Master qui ne possède pas d'années de Bachelor propres à cette branche et qui est donc ouvert à tous les étudiants de Philosophie et Lettres, voire à ceux des autres facultés) ne s'est pas fait attendre. S'y croisent d'ailleurs des populations issues d'horizons forts différents et qui forment un véritable creuset : étudiants ayant une formation de base artistique ou classique, mais aussi metteurs en scène, personnalités qui viennent se nourrir de cours théoriques, etc. Ensuite parce que l'ouverture internationale du Master est également un succès. Ce Master offre en effet, à ceux qui le désirent, l'occasion d'effectuer tout ou partie de la seconde année d'études dans une autre université européenne ; l'ULB accueille par conséquent aussi nombre d'étudiants européens issus de plus de dix universités partenaires, dans le cadre de ce Master européen conjoint. Troisième raison de se réjouir : la collaboration menée avec le Conservatoire royal de Bruxelles qui donne des résultats dépassant les espérances.

Ouvertures

" Dans l'idée du Master que nous avons lancé, explique André Helbo, il y a cette double ouverture : nous avons voulu offrir la possibilité à nos étudiants d'obtenir une spécialisation complémentaire en bénéficiant du pôle d'excellence qui fait la réputation internationale de nos partenaires dans tel ou tel domaine (danse, opéra, patrimoines théâtraux, théorie de l'acteur, arts de la rue, etc.). Quant aux étudiants qui achèvent leur cycle chez nous, ou que nous accueillons dans le cadre du Master européen conjoint, ils bénéficient pour leur part d'une expérience unique d'enseignement conjoint avec le Conservatoire ".

De la théorie à la pratique

" Concrètement, explique Patricia Houyoux, cela se traduit par la poursuite, en première année, d'un atelier commun de mise en jeu d'un texte théâtral où tous les étudiants sont amenés à jouer. Dans la suite du projet, les étudiants de l'ULB pourront être amenés à être dirigés par des étudiants du Conservatoire. En 2e année, le travail engagé en atelier prépare à l'écriture sur base d'impro ; on travaille sur les émotions, essentiellement ". Viendra ensuite le travail sur l'écriture créative et la dramaturgie qui servira de point d'appui à la mise en scène.

" L'intérêt pour nous est que nos étudiants passent tous par la pratique : notre Master offre diverses options, certains travailleront un jour à l'organisation de festivals, à la promotion d'événements, d'autres auront choisi une option d'analyse et de critique basée sur la réflexion, ou encore le journalisme théâtral... Mais tous - le critique, le gestionnaire, le chercheur, le communicateur... - se seront frottés à la réalité d'un plateau, auront vu de près comment fonctionnent un jeu de comédien, une mise en scène... ".

L'ouverture vers le Conservatoire a permis des rencontres étonnantes entre étudiants de l'ULB et étudiants du Conservatoire, entre des méthodes d'enseignements différentes mais complémentaires, entre des philosophies de travail inhabituelles, entre théorie et pratique. Elle a également débouché sur des projets fort concrets de collaboration puisque les uns et les autres sont amenés à concevoir un projet créatif qui permet d'affronter toutes les étapes du processus théâtral, de l'écriture à l'interprétation, en passant par la mise en scène ou d'autres aspects pragmatiques (communication, promotion...). Dès l'an prochain, un nouvel atelier d'expression corporelle viendra d'ailleurs compléter cet appareil pédagogique.

L'art de la rencontre

" Le spectacle théâtral, explique André Helbo, reste un art de rencontre entre des êtres faits de chair ; il devient un moment privilégié de dialogue et de présence quand le temps disponible pour aller vers l'autre se fait rare, ce qui est le cas dans nos sociétés... Or ce phénomène est européen et mondial ".

La pratique théâtrale nous oblige par ailleurs à nous interroger sur le sens d'une culture européenne : " Les expériences partagées grâce au Master conjoint européen sont enrichissantes : nous développons chaque année un atelier international de création où se rejoignent des étudiants issus de toutes les universités partenaires. Face aux contraintes linguistiques, aux affinités méthodologiques, aux écoles (les uns étant Brechtiens, les autres issus de la Commedia dell'arte, etc.), il est impressionnant de constater qu'au bout de deux jours, grâce aux codes du théâtre, la communication se fait plus fluide, et la création s'installe, naturellement ". Le théâtre et son enseignement semblent donc encore promis à un bel avenir...

Alain Dauchot