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Fabienne Verstraeten Au gré des vents de la création

Esprit libre : Par quel phénomène êtes-vous passée de la philosophie à la dramaturgie ?
Fabienne Verstraeten : Après mes études de philosophie à l'ULB, je suis partie en Allemagne pour y étudier l'allemand. Je m'intéressais particulièrement aux questions de théorie esthétique, et notamment au philosophe Adorno, qui était aussi un grand musicologue. Cet apprentissage m'a permis d'être engagée à la Monnaie/De Munt afin d'y rejoindre le service de dramaturgie. J'y ai essentiellement travaillé sur les publications : nous éditions des programmes en forme de livres sur les productions de l'opéra.

Esprit libre : Votre parcours est celui d'une nomade, dites-vous...
Fabienne Verstraeten : C'est effectivement le terme que je trouve le plus juste dans la mesure où, depuis que je suis active professionnellement, je ne me suis jamais sédentarisée. Je ne suis restée qu'une saison au Théâtre royal de la Monnaie. J'ai travaillé ensuite avec de jeunes metteurs en scène et des compagnies de danse en tant qu'administratrice et dramaturge. Pendant quelques années, j'ai donc participé à tous les stades de la chaîne de production d'un spectacle - rédaction du dossier, recherche de subsides, suivi de production et diffusion - pour ensuite intégrer l'équipe de Bruxelles 2000 où j'ai pris en charge une partie de la programmation théâtre et littérature. On m'a aussi confié un projet pluridisciplinaire, les " Métamorphoses ", un programme pour tout public alliant danse, musique et arts plastiques, organisé dans le cadre des journées du patrimoine. À l'issue de Bruxelles 2000, j'ai complètement changé de cap. Après des années dans le théâtre et la danse, j'avais envie de découvrir le champ des arts plastiques. J'ai ainsi coordonné l'exposition 100 artistes/100 jours à Tour et Taxis et ensuite, j'ai collaboré avec le Mac's (Musée des arts contemporains). J'ai contribué au lancement du projet de réhabilitation des anciennes brasseries Wielemans en centre d'art contemporain : premiers contacts avec les pouvoirs publics, recherche de subsides et rédaction du dossier de présentation du projet. Et enfin, l'année dernière, j'ai coordonné BRXLBRAVO.

Esprit libre : En quoi vos expériences précédentes vous sont utiles aux Halles de Schaerbeek ?
Fabienne Verstraeten : Cette suite d'expériences professionnelles très riches m'a permis d'acquérir une certaine maturité. Je me sentais prête à me lancer dans la direction d'un grand projet comme celui des Halles. J'ai acquis une très bonne connaissance du champ théâtral en Communauté française, et de façon plus large, du secteur des arts de la scène, ainsi qu'un bagage pratique de la production. Mes dernières expériences ont relevé de la coordination de vastes projets. Au fil du temps, j'ai également appris à négocier avec les pouvoirs publics et à défendre un projet. Tout cela constitue un ensemble d'outils qui me permettent d'être là, aujourd'hui aux Halles.

Esprit libre : À votre arrivée, vous avez opté pour la continuité en ne révolutionnant pas la programmation...
Fabienne Verstraeten : Les Halles sont un lieu de transversalité et de rencontre entre toutes les disciplines qui participent à l'art aujourd'hui. Elles ont connu un grand changement il y a deux saisons avec l'affirmation d'un nouveau projet artistique. Le changement s'est fait très rapidement. Je n'ai donc pas voulu inventer un troisième projet mais plutôt maintenir l'exigence artistique d'aujourd'hui tout en recourant à certains créneaux de programmation du passé. La saison prochaine, nous réintègrerons des moments dédiés au jeune public - cirque, rencontre littéraire, danse... - et aux familles, ce qui s'était déjà fait dans le passé, mais en théâtre uniquement. Nous essaierons donc d'élargir la programmation en pensant à des publics qui, dans le tournant amorcé récemment, ont été exclus des Halles.

Esprit libre : D'autres projets pour la suite ?
Fabienne Verstraeten : L'idée est de resserrer et d'affirmer les axes forts du lieu que sont le cirque contemporain, la danse et le théâtre dans ses voies les plus innovantes mais aussi les axes " mineurs " : cycles de conférences, de rencontres littéraires... Et d'arriver à articuler autour de cela notre engagement politique. Nous sommes un centre culturel européen et par conséquent, nous accueillons de plus en plus de spectacles étrangers. Les frontières, les limites de l'Europe m'intéressent beaucoup et je souhaite développer des projets de fond avec d'autres villes et pays multiculturels comme Beyrouth, Sarajevo et la Palestine.

Esprit libre : Fabienne Louis, c'est vous aussi ?
Fabienne Verstraeten : C'est mon pseudonyme d'écrivain. J'ai eu la chance de publier un livre [ndlr : " Fin de l'enfance " aux éditions l'Harmattan] et au moment de la publication, j'ai choisi un pseudonyme. J'ai conservé mon prénom et comme nom de famille, j'ai opté pour le prénom de mon grand-père. Cela me permet d'exercer cette activité d'écriture de manière plus secrète.

Amélie Dogot


Opéra, théâtre, danse contemporaine, littérature, arts plastiques... Au gré des propositions et de ses envies, Fabienne Verstraeten, en vraie nomade, a touché à tous les secteurs culturels. Depuis six mois, cette bruxelloise de 45 ans dirige les Halles de Schaerbeek. Avec la transversalité et la pluridisciplinarité pour maîtres-mots.



 
  ESPRIT LIBRE > MAI 2006 [ n°40 ]
Université libre de Bruxelles