Tutorat : une expérience unique en Communauté française
Esprit Libre : Comment est né le projet de tutorat ?
Ahmed Medhoune : Le préfet de l'Athénée de Saint Gilles, René Robbrecht, comptait, dans son école, une population à 90% d'origine étrangère
et appartenant à plus de 20 nationalités. Confronté aux nombreux échecs de ses élèves, il s'est tourné vers l'ULB pour l'aider
à résoudre ce problème. Il faut savoir qu'alors que de nombreux programmes de soutien pédagogique existaient pour les élèves
du secondaire inférieur, il n'y avait rien du tout à l'époque pour ceux du supérieur. Voilà comment est né ce projet qui s'est
fondé sur un principe simple : faire aider les élèves en difficulté sur le plan du savoir et du savoir-faire par des étudiants
de l'ULB eux-mêmes issus des milieux de l'immigration.
Esprit Libre : Aujourd'hui, c'est le succès...
Annick Coutisse : D'année en année, notre programme s'est étendu suite aux demandes de nouveaux établissements intéressés à pouvoir disposer
de ce dispositif d'encadrement. Aujourd'hui, nous sommes présents dans 14 des 108 établissements d'enseignement secondaire,
tous réseaux confondus, que compte Bruxelles. Avec plus d'un millier d'élèves aidés chaque année, par une équipe de 120 à
140 étudiants tuteurs de l'ULB, ce programme constitue le plus grand dispositif de soutien scolaire dans le secondaire supérieur
en Communauté française.
Esprit Libre : Dans quel type d'établissements êtes-vous présents aujourd'hui ?
Annick Coutisse : Il s'agit principalement d'écoles en discrimination positive situées dans des communes paupérisées de l'axe Nord-Sud de Bruxelles.
Le public est, là plus qu'ailleurs, issu de l'immigration, de milieux défavorisés, et il présente un taux d'échec et donc
un retard scolaire important. Ces écoles sont confrontées au fait que bon nombre d'élèves ne maîtrisent pas la langue française
et doivent faire face à une présence importante de primo arrivants.
Esprit Libre : L'ULB est-elle subsidiée pour ce projet ?
Ahmed Medhoune : Sans le soutien des autorités politiques de la Région de Bruxelles capitale, nous n'aurions jamais pu lancer et développer
ce projet qui a pu également, au fil du temps, bénéficier aussi de l'aide de la Communauté française de Belgique et de celle
de certaines communes bruxelloises.
Esprit Libre : Comment fonctionne votre dispositif ?
Annick Coutisse : Nous recrutons des étudiants à partir de la première licence. Ils sont engagés pour donner de deux à huit heures de cours
par semaine à des petits groupes d'élèves. Ils sont rémunérés pour cette activité mais cela n'enlève rien à leur motivation.
Ahmed Medhoune : Pour les tuteurs, il s'agit d'une expérience exceptionnelle en terme d'attitude et de savoir-faire. Il faut prédigérer la
matière, être patient, communiquer, échanger... Cela constitue une plus-value qui est valorisable ensuite auprès des employeurs.
Esprit Libre : On a pu évaluer l'efficacité pour les élèves ?
Ahmed Medhoune : Nous évaluons systématiquement depuis cinq ans. C'est fondamental pour améliorer progressivement le dispositif. Ce que nous
pouvons dire c'est que l'estime de soi de ces élèves est améliorée compte tenu du fait que les tuteurs sont proches en âge,
ne sanctionnent pas, préparent à l'évaluation et sont donc vécus plus comme des amis, des grands frères ou des modèles. En
outre, 60 % des élèves qui sont réguliers aux séances améliorent leurs performances scolaires. À côté du soutien apporté aux
élèves sur le plan des connaissances et de l'appui apporté aux enseignants, il est évident que ce projet nous permet d'introduire
de nouveaux modèles sociaux dans le système de références des élèves.
Esprit Libre : Vous travaillez en collaboration avec les écoles, cela va de soi...
Ahmed Medhoune : Un projet tel que celui-là implique l'adhésion de tous les acteurs et une coordination locale. Nous organisons systématiquement
chaque année de grandes séances de communication.
Esprit Libre : Quels sont vos projets pour le tutorat ?
Ahmed Medhoune : Nous aimerions soutenir plus d'écoles et peut-être nous tourner vers la Wallonie.
Isabelle Pollet
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Voilà 13 ans démarrait à l'Athénée Royal Paul Delvaux un projet pilote de tutorat sous l'égide de l'ULB. Son objectif : venir
en aide à des élèves du secondaire supérieur en décrochage scolaire. Aujourd'hui, le programme de tutorat se poursuit avec
succès dans une quinzaine d'implantations scolaires de la région bruxelloise épaulant ainsi plus d'un millier d'élèves. Ahmed
Medhoune, le concepteur de ce programme et Annick Coutisse, sa cheville ouvrière, nous en révèlent l'originalité.
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Ahmed Medhoune
Est actuellement le Directeur du département des services à la communauté universitaire de l'ULB. En 1989, il enseignait
le français dans le secondaire, lorsque René Robbrecht, le préfet de l'athénée Paul Delvaux s'est tourné vers l'université,
pour l'aider face au décrochage scolaire de nombreux étudiants étrangers de son établissement. Le conseiller du recteur pour
l'enseignement secondaire, Gilbert Debusscher, a alors fait appel à lui pour concevoir et mettre en place le projet de tutorat.
Annick Coutisse
Est la responsable de la cellule tutorat de l'ULB depuis 1998.
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