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Stress : travailleurs aux abonnés absents

Selon une étude de la Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de vie et de travail, le stress est le deuxième problème de santé d'origine professionnelle après les douleurs dorsales dans l'Union européenne. Engendré par l'ensemble des contraintes que nous subissons chaque jour, il serait à l'origine de la plupart des maladies coronariennes, des ulcères à l'estomac ou encore des dépressions et de l'absentéisme au travail. Gérer l'absentéisme relié au stress et à la santé mentale est donc devenu un défi de taille pour la majorité des employeurs. Augmentation des réclamations et des coûts, remplacement de la main d'oeuvre, diminution de la productivité et du niveau de satisfaction des employés sont au nombre des effets sournois du phénomène.

Belstress 1 : l'enquête

Belstress 1 est une étude menée conjointement par le professeur Marcel Kornitzer, du Département d'épidémiologie et de promotion de la Santé-ESP-ULB et par le professeur Guy De Backer, du Vakgroep maatschappelijke gezondheidkunde-Universiteit Gent. Elle a reçu le soutien des Services fédéraux des affaires scientifiques, techniques et culturels ainsi que du FNRS. 25 entreprises des secteurs secondaire, tertiaire et public ont fait l'objet de cette étude qui s'est étalée sur plusieurs années. Au total, plus de 16.000 hommes et 5.000 femmes ont accepté de passer un examen initial et d'être suivis au point de vue des absences pour cause de maladie, et plus particulièrement, de maladies cardio-vasculaires. Il s'agit d'une des études les plus importantes menées en Europe sur le sujet.

Les données récoltées l'ont été sur base des certificats médicaux fournis par les médecins traitants pendant les deux années qui ont suivi l'examen initial. Elles ont bien évidemment été traitées de manière anonyme. Le modèle utilisé pour analyser toutes ces informations est basé sur celui de Karasek. Ce modèle repose sur l'hypothèse qu'une situation de travail qui se caractérise par une combinaison d'une demande psychologique élevée et d'une autonomie décisionnelle faible peut augmenter le risque de développer un problème de santé physique ou mentale. L'analyse se fait selon une triple échelle : les contraintes psychologiques, la maîtrise au travail (quand les processus décisionnels nous échappent) et le support social au travail (l'écoute et l'aide manifestés par les collègues et les supérieurs pour son travail).
" Il apparaît, explique Marcel Kornitzer, que ceux qui ont une faible perception de maîtrise au travail augmente respectivement, chez les hommes et les femmes, de 20 % et de 16 %, le risque d'un important nombre de jours d'absence pour cause de maladie. Chez ceux subissant beaucoup de contraintes psychologiques, ayant peu de maîtrise sur leur travail et bénéficiant d'un faible support social, le risque d'un nombre important de jours d'absence pour cause de maladie est augmenté de 22 % et 35 % chez les hommes et les femmes, en tenant compte à la fois du secteur d'activités et du niveau socio-professionnel. "

5 millions de jours d'absence

L'étude par secteur d'activités nous apprend que pour tous les niveaux professionnels et pour les 2 sexes, le secteur public a en moyenne plus de journées d'absence pour cause de maladie par année, comparé aux secteurs secondaire et tertiaire. L'étude par niveau socio-professionnel met en évidence que chez les hommes, la faible maîtrise au travail augmente le risque de nombre élevé de jours d'absence par an, respectivement de 112 %, 69 % et 27 % chez les cadres, employés et ouvriers. Les chiffres sont similaires chez les femmes. Quant au stress induit par un faible support social, hommes et femmes voient également s'accroître le risque d'absentéisme : 39 % pour les cadres, 23 % pour les employés et 30 % pour les ouvriers. Autre constat global : l'absentéisme des femmes est plus élevé que celui des hommes. Mais rien ne permet actuellement d'expliquer cet état de fait.

L'étude porte sur des personnes dont l'âge se situe entre 35 et 59 ans, mais, explique le professeur Kornitzer, " tout porte à croire que les résultats sont semblables pour des sujets ayant entre 20 et 40 ans ". Une extrapolation des résultats de cette étude permet d'estimer le nombre d'absences de sujets masculins et féminins dans le secteur privé et dans le public pour cause de maladie suite à une faible maîtrise conduisant au stress au travail à 2.643.000 chez les hommes et 2.296.000 chez les femmes. Soit un total de près de 5 millions de jours d'absence annuellement ! Si l'étude n'a porté que sur des personnes appartenant exclusivement à de grandes entreprises, Marcel Kornitzer estime toutefois que la tendance est identique dans les PME.

Une étude Besltress 2 devrait permettre d'affiner toutes ces données. Notamment en précisant l'impact du stress sur les sujets étudiés, ou l'association entre stress et douleurs dorsales ou encore entre stress et obésité. Une troisième enquête tentera de savoir pourquoi le phénomène de l'absentéisme touche plus les femmes que les hommes.

Alain Dauchot


Le tout n'est pas de le dire, encore fallait-il le prouver : c'est chose faite à présent, grâce à l'étude Belstress 1 menée par l'ULB et l'Université de Gand, qui confirme que le stress au travail est source d'absentéisme pour cause de maladie... Ce qui semble être une lapalissade est pourtant source de bien des soucis pour les entreprises et pour l'économie en général.



 
  ESPRIT LIBRE > JUIN 2003 [ n°14 ]
Université libre de Bruxelles