La tuberculose en Afrique, un enjeu collectif
Le constat est sans appel : malgré les programmes mis en place pour lutter contre la tuberculose dans les pays en voie de
développement où la maladie frappe le plus, les progrès enregistrés sont très lents. Et cela pour plusieurs raisons. Le projet
de recherche-action mis en place par le professeur Bruno Dujardin de l'École de santé publique de l'ULB et divers partenaires
en Afrique de l'Ouest permet de mieux les cerner et d'envisager des pistes d'actions nouvelles.
Pour rappel, la tuberculose est une infection bactérienne qui peut atteindre de nombreux organes. L'être humain est le seul
réservoir du germe et représente le principal agent de transmission de la bactérie. Pour contracter la tuberculose, il faut
être en contact avec une personne atteinte de tuberculose active. La plupart développe une maladie des poumons, mais l'infection
peut aussi toucher le cerveau (méningite), les reins, la peau, les os, les articulations ou les ganglions. Les facteurs de
risque sont connus : alcoolisme, dénutrition, déficit immunitaire lié à la maladie (VIH, cancers), surpopulation et manque
d'hygiène
Identifier les problèmes
Pour vaincre la tuberculose, un traitement étalé sur plusieurs mois est obligatoire. Et c'est notamment là que le bât blesse
: pour guérir, le traitement prescrit doit être suivi jusqu'au bout pour ne pas qu'apparaissent des souches résistantes aux
médicaments. Or, c'est rarement le cas. En cause : les coûts élevés que doivent supporter les patients pour se rendre quotidiennement
au centre de santé et recevoir les médicaments. De plus, le rejet social, familial et professionnel dont ils souffrent peut
les inciter à ne consulter que tardivement ou à abandonner le traitement.
Autre problème relevé par l'École de santé publique : le manque de communication, de coopération et de coordination entre
les différents acteurs de terrain (responsables nationaux, chercheurs, médecins, infirmiers, laborantins, etc.) dans la lutte
contre la maladie et la mise en place de politiques globales. D'où l'idée de les réunir. 52 participants ont donc été sélectionnés
pour participer au projet de recherche-action qui se déroule depuis janvier et jusqu'en décembre 2003. Ces participants sont
originaires de six pays d'Afrique de l'Ouest : le Sénégal, le Mali, le Burkina Faso, le Niger, le Bénin et la Côte d'Ivoire.
Changer les mentalités
" Ce programme a été décidé l'an dernier, explique le docteur Claudine Dauby, coordinatrice du projet. En discutant avec nos
partenaires africains, ils nous ont proposé de traiter de la problématique de la tuberculose. La demande vient donc d'eux,
même si elle répondait aussi à une de nos priorités. À la base, l'idée était de voir comment prendre mieux en compte la perception
et les attentes des patients. Cette approche est assez novatrice dans la mesure où les malades reçoivent des soins mais sont
rarement impliqués dans les choix du traitement. On voulait donc les inclure dans le processus, de manière à ce que les acteurs
de terrains (docteurs, infirmiers, spécialistes) prennent plus en compte les spécificités de chaque patient.
Par ailleurs, le fait de réunir les différents acteurs leur permet de se rendre compte de leur complémentarité, de l'infirmier
de terrain au responsable national. Cela crée une motivation nouvelle, un esprit d'équipe ".
Ce premier séminaire a permis, d'une part, lors de la première semaine, de donner de nouveaux outils aux acteurs de terrain,
par le biais d'une formation théorique. D'autre part, les groupes constitués ont élaboré, lors de la deuxième semaine, des
projets de recherche-action spécifiques à la situation de leur région. Les différentes équipes ont dès lors jusqu'à septembre
pour mettre concrètement en place leur intervention. " Les acteurs locaux ont particulièrement apprécié d'être invités à concevoir
eux-mêmes un sujet d'analyse-intervention, poursuit Claudine Dauby. De notre côté, nous en assurons le suivi, par internet,
et en nous rendant sur place. Je repars d'ailleurs bientôt au Niger et au Bénin ". Le prochain séminaire est prévu au mois
de septembre de manière à finaliser la formation continuée et à échanger les résultats recueillis.
Au bout de ce processus ambitieux, le programme ainsi réalisé devrait permettre de capitaliser les expériences menées, d'améliorer
les compétences et la complémentarité entre acteurs et de peser, en fin de compte, sur les politiques nationales et régionales
de lutte contre la tuberculose. " Il s'agit pour nous, conclut Claudine Dauby, d'aider à créer une dynamique, en espérant
que les contacts et les échanges ainsi créés se poursuiveront et aboutiront à long terme à des résultats concrets et structurels
".
Alain Dauchot
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De janvier à décembre 2003, l'École de santé publique de l'ULB en collaboration avec la Coopération technique belge (CTB)
mène un projet de recherche-action en Afrique de l'Ouest sur la lutte contre la tuberculose. Ce projet est basé sur l'échange
d'expériences et l'acquisition de nouvelles compétences. Un premier séminaire international organisé récemment au Bénin par
l'ULB et la CTB a permis de faire le point sur la question.
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