Prix Wolff 2004
Quelle logique pour l'univers ?
La question posée par Englert et Brout au début des années soixante était de savoir si l'ensemble des forces en action dans
l'univers repose sur un même principe et peut donc répondre à la même formalisation mathématique. Ils s'inscrivent ainsi dans
la démarche fondamentale du physicien qui cherche à fournir une description complète et quantitative de tous les phénomènes
observés dans la nature, à partir d'un nombre réduit de principes logiquement cohérents. La base conceptuelle de ce vaste
programme remonte à Newton qui, il y a près de trois siècles, a proposé l'idée que la matière est composée de petites entités
appelées particules qui interagissent les unes avec les autres.
Forces fondamentales
De nos jours, les particules de Newton sont ce que nous appelons les particules élémentaires. Il y a dans la nature différentes
sortes de particules qui interagissent entre elles via diverses forces dites fondamentales. Ces forces fondamentales peuvent
être classées en deux catégories distinctes selon qu'elles sont de longue portée, telles la gravitation et l'électromagnétisme,
qui agissent sur des particules quelle que soit la distance qui les sépare, ou des forces de courte portée qui se manifestent
seulement lorsque les particules sont suffisamment proches. Ainsi, la force responsable de la radioactivité ne se fait sentir
qu'à des distances de l'ordre du centième de la taille d'un noyau atomique.
La théorie proposée en 1964 par Brout et Englert, et indépendamment par Higgs, montra que, bien que de portées différentes,
toutes ces interactions peuvent être basées sur le même principe logique. Par là même, elle offrit la possibilité d'étendre
aux forces de courte portée les lois alors connues, associées aux forces de longue portée. Il était en effet admis que ces
dernières sont liées à la propagation dans le vide d'une classe particulière de particules appelées bosons de jauge, qui sont
émis et absorbés par les particules en interaction. Clairement, si les bosons de jauge pouvaient ne voyager que sur une distance
finie, la force associée devrait être de portée limitée. La découverte de base de Brout et Englert fut de montrer que si le
vide était structuré à la manière de certains systèmes familiers en physique des matériaux, la propagation de bosons de jauge
serait entravée, un mécanisme analogue étant proposé par Higgs. Les bosons de jauge qui sont sensibles à la structure du vide
peuvent seulement se propager sur une distance finie ; ceux-ci sont responsables des forces de courte portée. Ceux par contre
qui se propagent librement sont associés aux forces de longue portée. De cette manière, il devint possible d'accommoder, dans
un cadre unique, des forces qui semblaient auparavant très différentes et de proposer une origine à la masse des particules.
Prédictions
Les modèles théoriques sont des constructions logiques desquelles découlent un certain nombre de prédictions. La théorie d'Englert
et Brout, poursuivie par des travaux théoriques d'autres chercheurs, reçut une première confirmation expérimentale en 1973
avec la mise en évidence des courants neutres et après, en 1983, avec la découverte des bosons W et Z. Mais il est également
prédit que ces structures du vide, tant en physique des matériaux qu'en physique des particules, portent en elles des excitations
ou particules qui dans des circonstances favorables devraient pouvoir être observées.
Mettre en évidence cette particule et sonder la structure du vide est ainsi un des objectifs d'un vaste programme expérimental
à l'échelle mondiale et en particulier du grand accélérateur de hadrons ou LHC qui est actuellement en construction au CERN
près de Genève.
Ainsi, le modèle standard de la physique des particules, dont les prédictions ont été vérifiées avec une précision inégalée,
repose précisément sur cette idée. Au-delà de ce succès spécifique, l'édifice théorique élaboré par Brout, Englert et Higgs
offre probablement un de ces rares et donc précieux principes logiques sur lesquels nous espérons pouvoir nous appuyer dans
notre quête d'une compréhension rationnelle de notre univers. Peut-on imaginer contribution humaniste plus fondamentale ?
Michel Tytgat chercheur FNRS au Service de Physique Théorique de l'ULB
Marie Jose Gama ActuSciences
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Les professeurs François Englert et Robert Brout sont les lauréats du Prix Wolf 2004. Ce prix récompense " des scientifiques
ou des artistes d'exception pour des accomplissements dans l'intérêt de l'humanité et l'entente cordiale entre les peuples
". Il est attribué à nos éminents collègues pour leurs travaux en physique des particules élémentaires.
Pour la plupart d'entre nous, il n'est pas évident de faire un lien entre des recherches théoriques aussi pointues et une
contribution de la science au progrès de l'humanité. D'une façon générale, la recherche menée en dehors de toute idée d'application
est ressentie comme le fait de chercheurs peu préoccupés des soucis du monde et des contingences du quotidien. Mais alors,
où est la contribution humaniste qui mérite aujourd'hui une des récompenses les plus prestigieuses au monde?
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d'après un texte de R. Brout et F. Englert
LES DOSSIERS D'ACTUSCIENCES
Pour en savoir plus, consultez :
www.ulb.ac.be/inforsciences/actusciences
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