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esprit libre

[à l'université]
 
 
 
Relation professeur-étudiants Un et l'infini

Quand un étudiant arrive en 1re candidature, il n'est pas rare qu'il se retrouve avec 100 voire 200 congénères dans un même local. Et dans le cas de cours généraux rassemblant plusieurs sections, ces nombres peuvent encore être multipliés. L'auditoire Paul-Émile Janson et ses 1470 places en a impressionné plus d'un. Face à cette foule parfois dissipée, le professeur doit trouver un équilibre entre distance et proximité afin de se faire respecter.

Selon Bernard Rey, directeur du Service des sciences de l'éducation de l'ULB, " le pouvoir institutionnel des professeurs est quasi inexistant et, le plus souvent, inadéquat ". Car les sanctions institutionnelles ne sont pas appropriées aux petits problèmes qui viennent perturber voire rompre le fil des cours. Encore faudrait-il se souvenir du visage de l'étudiant turbulent ! " De plus, le principe du libre examen et du rejet de l'argument d'autorité nous incite à faire du pouvoir un usage très modéré du pouvoir ", fait remarquer Bernard Rey. En outre, il justifie la légitimité des enseignants par le fait qu'ils soient détenteurs d'un savoir et capables de le faire acquérir. Il préconise donc la construction d'une relation avec les étudiants sur base de l'acceptation libre, engendrant de cette manière le respect qui découle de la légitimité, et non du pouvoir.

Quantité et contenu

Mais même la légitimité ne garantit pas l'absence de débordements. Un retardataire distrait tout l'auditoire en tentant discrètement de gagner une place alors que le cours a déjà commencé. À l'heure de la pause, le conférencier poursuit sur sa lancée mais un brouhaha contestataire s'élève dans la salle. Une main émerge et une petite voix estudiantine pose une question qui, visiblement, n'intéresse pas les autres. Dans ces trois exemples de situations gênantes, symboliquement déplaisantes et qui témoignent d'une attitude d'irrespect, le fil du cours est rompu.

Pourquoi ce genre d'incidents arrive plus fréquemment dans le 1er cycle ? Principalement parce que les groupes sont imposants et se composent de jeunes étudiants. " Certain ne sont pas encore totalement intégrés, d'autres se voient comme de passage. D'autres encore sont issus d'un environnement familial au sein duquel personne n'a fréquenté l'Université ", explique Bernard Rey. Dans le 2e cycle, la plupart des étudiants ont trouvé leur voie, gagné en maturité et qui plus est, les groupes se restreignent progressivement. Les incidents sont donc plus rares.

Pas seulement les professeurs

Les échanges en groupes restreints ont constitué le moment fort du colloque. Étaient présents pour témoigner et écouter, tant des professeurs universitaires que des assistants et des enseignants de hautes écoles. Comme le souligne Alain Lammé, conseiller pédagogique de la cellule " Appui et développements pédagogiques ", " la relation pédagogique dépasse les auditoires. Elle peut être étendue à toutes les formes d'acquisitions du savoir ". Ainsi, des bibliothécaires, amenées à gérer de grands groupes lors des visites guidées de la Bibliothèque des sciences humaines ont également participé aux échanges. L'une d'entre elles, voyant toujours des étudiants boire, manger et téléphoner à la bibliothèque malgré l'existence d'une charte interdisant ces comportements, s'est demandé si les étudiants n'auraient pas dû participer à son élaboration. Une professeure s'est interrogée sur les limites de la disponibilité : doit-elle répondre aux mails de ses étudiants même après minuit ?

À bannir : la politique de l'autruche

Audrey Dubelet, stagiaire en sciences de l'éducation, s'est fondue aux étudiants et a été témoin de plusieurs situations de ce genre. Elle les a replacé dans leur contexte, a dégagé le problème à résoudre et a regroupé une série d'interventions à considérer comme des recommandations. Du fruit de ses observations, il ressort que les solutions-miracles n'existent pas. De plus, fermer les yeux et faire semblant de rien ne résout pas les problèmes. Selon Bernard Rey, cela réduit e professeur au rang d'objet, l'irrespect étant un mode de communication où l'autre n'est pas reconnu comme une personne.

Dès lors, comment réagir lorsqu'un étudiant perturbe le cours ou dérange ? Philippe Dejonghe, conseiller en prévention au Service interne de prévention et protection au travail de l'ULB, insiste sur le fait que l'enseignant doit connaitre la stratégie qui lui convient le mieux : il peut s'agir d'un regard soutenu, d'un silence, d'une remarque humoristique, d'une injonction paradoxale du type " Crie plus fort, tout le monde n'a pas entendu ce que tu disais à ton voisin ! ", d'un double choix du genre " Tu continues à écrire des sms pendant le cours et tu sors ou tu arrêtes et tu restes parmi nous ", ou encore d'une menace qui doit pouvoir être appliquée. Au professeur, à l'assistant ou à la bibliothécaire, en fonction de sa personnalité, de son seuil de tolérance et de la situation à laquelle il doit faire face, de choisir comment intervenir.

Amélie Dogot


Gérer un grand groupe recèle son lot de désagréments. Comment conduire cette multitude ? Quelles limites tolérer ? Et comment réagir en cas de dérapage ? Le séminaire sur " La relation avec les grands groupes d'étudiants " organisé par la Cellule " Appui et développement pédagogique " de l'ULB a permis au personnel enseignant et encadrant du supérieur d'échanger leurs expériences et leurs idées sur la relation particulière qu'ils nouent avec leurs auditoires.



 
  ESPRIT LIBRE > JUIN 2006 [ n°41 ]
Université libre de Bruxelles