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Pierre de Maret D'un continent à l'autre

Esprit libre : En septembre prochain, vous allez avoir plus de temps pour vous replonger davantage dans certaines recherches, dans l'enseignement... ou pour d'autres missions que vous mènerez peut-être en dehors du cercle universitaire. Quels sont vos projets ?
Pierre de Maret : À vrai dire, j'ai un peu l'embarras du choix ! J'ai tout d'abord été rattrapé par la réforme Bologne, en acceptant de donner une série de nouveaux cours dont le premier a démarré cette année. J'aimerais également créer un cours dans un domaine qui me fascine en tant qu'anthropologue : le tourisme. Par ailleurs, avant d'être recteur, j'avais mené des études pour le classement de sites dans le cadre de la protection du patrimoine mondial. Voilà une autre piste que je serais assez tenté d'explorer à nouveau... Il y en a d'autres, comme ces projets de fouilles au Congo ou dans le Massif de l'Ennedi dans le Sahara qui pourraient également se voir confirmés. Je suis évidemment aussi sollicité par la Coopération, pour faire avancer un certain nombre de projets avec l'Afrique centrale; en aidant par exemple au redéploiement des universités congolaises. Puis, je continuerai mon travail de promotion des universités européennes au-delà de nos frontières, en tant que membre du bureau exécutif de l'Association européenne des universités (EUA), vers l'Amérique latine, l'Afrique, l'Asie et l'Amérique du Nord, pour accroître nos partenariats internationaux. Voilà quelques pistes non exclusives...

Esprit libre : Aurez-vous plus de temps pour écrire et publier ?
Pierre de Maret : Je l'espère. J'aimerais notamment faire aboutir un projet d'écriture qui me tient fort à coeur depuis des années : un ouvrage de synthèse sur l'archéologie de l'Afrique centrale. Sinon, j'ai récemment fait, de façon assez amusante, une découverte égyptologique significative qui pourrait aussi déboucher sur une série de recherches et d'articles [ndlr: lors d'un voyage sur le Nil, à Noël 2003, Pierre de Maret parcourt son Guide Michelin et examine les représentations animalières du panthéon égyptien. En voyant le dieu Seth - le seul dont on n'avait pas réussi à identifier jusque-là la figure animale - il sursaute : pour lui, cela ne fait aucun doute, il s'agit de l'oryctérope. Ce drôle d'animal d'Afrique Noire, l'anthropologue en avait parlé dans un article, quelques années auparavant, à propos de la plus ancienne sculpture d'Afrique centrale, découverte dans le lit d'une rivière, et représentant un... oryctérope (*) ].

Esprit libre : Dans une carte blanche publiée en 1999, vous aviez réagi à l'emploi malencontreux de l'expression " gouvernement de Pygmées ", faite par un homme politique, rétablissant de la sorte la dignité de cette tribu... Si vous deviez vous-même vous revendiquer d'une tribu, laquelle serait-elle ?
Pierre de Maret : L'anthropologue est un peu caméléon. Je prends un malin plaisir à rentrer, aux États-Unis, dans la peau d'un Américain ; à Ottawa, dans celle du Canadien ; chez les Luba, dans celle d'un Luba, etc. Se mettre dans la peau de l'autre, c'est la base de la morale et de la bienveillance. C'est fondamental. Je me sens profondément métis. Je suis à la fois très enraciné en Belgique, mais d'un autre côté, ma passion de recherche a été et reste l'Afrique centrale. Ajoutez à cela que mon épouse est américaine, et que nous avons de nombreux liens avec l'Amérique du Nord en général. En réalité, sauter d'un continent à l'autre me plaît assez.

Esprit libre : Avant d'être recteur, vous étiez un adepte du jogging, du jardinage et de la photo. Est-ce que vous avez pu poursuivre dans cette voie pendant ces 6 années ?
Pierre de Maret : Ce à quoi il faut également ajouter, de temps à autre, la cuisine (rires) ! Comme je le rappelais dans un discours de rentrée, " Jardiner, c'est prévoir " : le jardinage est ma bouffée d'oxygène, tout comme le jogging, que je pratique disons " en douceur ", le dimanche. Quant à la photo, j'en étais resté à l'argentique... Il est donc temps que je me plonge dans le monde du numérique. Mais je continue avec bonheur à prendre des photos, comme récemment encore, au Maroc, lors de vacances.

Esprit libre : Dans trois mois, vous passerez le témoin à Philippe Vincke, issu de la filière des sciences exactes, qui aura peut-être une ligne de conduite différente de la vôtre...
Pierre de Maret : Certains dossiers comme Bologne - l'un des plus grands changements des dernières décennies - ne sont pas terminés et continueront à se développer. On observera certainement, chez le prochain recteur, des sensibilités, des approches et des priorités différentes. Nous nous connaissons bien et j'ai pu apprécier ses énormes qualités. Je considère l'alternance indispensable au bon fonctionnement de tout système démocratique. L'Université sera dans de bonnes mains. Et je ne compte surtout pas jouer les belles mères !

Alain Dauchot


Après 6 années de leadership à la tête de l'ULB en tant que recteur, Pierre de Maret passera le relais à Philippe Vincke, en septembre prochain. L'occasion d'évoquer avec celui qui restera pour l'ULB " le recteur de l'ère Bologne ", non pas le bilan de son mandat, mais plutôt son parcours à venir, ses goûts, ses envies. Pierre de Maret, un homme en mouvement perpétuel...



(*) Pierre de Maret a récemment publié un premier article à ce sujet dans le bulletin de l'Institut français d'archéologie orientale (tome 105).

 
  ESPRIT LIBRE > JUIN 2006 [ n°41 ]
Université libre de Bruxelles