RéformeS de l'enseignement supérieur
Nouveaux étudiants et nouveaux enseignants ?
Existe-t-il un étudiant " post-Bologne " ? Il est bien sûr encore trop tôt pour le dire, mais les études récentes, évoquées
dans les exposés de ce colloque, permettent de mieux comprendre les raisons qui motivent le choix des élèves sortant de l'enseignement
secondaire. Ils se tournent ainsi massivement vers les études supérieures et sont guidés par des aspirations personnelles...
mais pas seulement : leur choix d'études semble également fortement conditionné par leur parcours scolaire (le type d'enseignement,
le choix d'options), mais aussi par le niveau d'éducation et la situation professionnelle de leurs parents.
Facteurs de réussite
En ce qui concerne les facteurs de réussite en première année de Bachelier, une étude multi-variée a permis de mettre en avant
l'importance de facteurs aussi déterminants que le milieu socio-économique ou familial des étudiants, mais aussi leur passé
scolaire : le redoublement pendant les études secondaires (assez élevé en Communauté française) joue un rôle extrêmement
influent sur la réussite des études supérieures.
La question de la démocratisation de l'enseignement reste donc particulièrement d'actualité.
Expériences finlandaise et... flamande
La Finlande, souvent considérée comme l'élève modèle de l'Europe pour son taux de réussite scolaire, a dernièrement réformé
son système d'enseignement supérieur en renforçant les liens entre l'offre de formation et la demande des étudiants. Ce qui
a notamment mené à la création de hautes écoles.
Plus proche de nous, la Communauté flamande se révèle un laboratoire de recherche particulièrement intéressant. Nos voisins
se sont en effet lancés dans une vaste campagne de sensibilisation aux études scientifiques afin de rehausser la compétitivité
européenne. La Flandre entend rétablir l'équilibre entre les compétences et les connaissances en revalorisant le plaisir de
savoir et la motivation à relever des défis.
Le taux d'échec étant souvent lié à un mauvais choix initial, les hautes écoles et universités flamandes proposent une information
pointue et ciblée sur les formations, insistant sur les difficultés éventuelles et les compétences visées, et permettant un
choix plus sûr à la sortie du secondaire. Elles innovent également dans le domaine de l'orientation sur les études en instaurant
un système d'autoévaluation et d'accompagnement en cours de formation.
Une réflexion partagée
Quatre ateliers auxquels ont participé les partenaires des différents établissements du Pôle ont permis d'approfondir la réflexion.
* Soutenir les étudiants en BA1 : béquille ou clé vers l'autonomie ?
Les participants ont répondu à l'unanimité : le soutien est une clé vers l'acquisition d'une démarche d'étude responsable
et d'autoévaluation. En effet, les étudiants ont aujourd'hui de plus en plus de mal à prendre conscience de leurs faiblesses
et refusent souvent d'accepter leur échec. Les préfets de l'enseignement secondaire ont d'ailleurs témoigné du même constat
concernant leurs élèves. Y a-t-il dès lors un devoir d'accompagnement de la part des professeurs ? Cet encadrement doit-il
se faire dans le cadre des cours ou en dehors de celui-ci ? Faut-il le rendre obligatoire ?
Les enseignants participant à l'atelier ont aussi pointé du doigt la souffrance personnelle à laquelle doivent faire face
certains étudiants et qui trahit souvent leur manque de sécurité (personnelle ou professionnelle).
Enfin, les participants ont également souligné le fait que la clarification du contrat didactique par les enseignants pourrait
être de nature à aider les étudiants en difficulté.
* Tactiques et calcul de l'étudiant : apprendre ou réussir ?
Le constat des intervenants participant à cet atelier s'est révélé plutôt pessimiste : si les stratégies ont toujours existé
sur les bancs de l'université et des hautes écoles, certains étudiants semblent aujourd'hui particulièrement calculateurs,
à défaut d'être mus par une véritable motivation d'apprendre. Le type d'évaluation influence ainsi fortement les stratégies
d'étude, souvent au détriment d'une assimilation en profondeur de la matière enseignée.
Il serait donc souhaitable de pouvoir varier les types d'évaluations, mais la massification de la population estudiantine
ne permet pas de répondre à ce besoin dans l'immédiat.
* Apprendre autrement : gadgets ou vraies innovations ?
Cet atelier a porté sur les méthodes d'apprentissages différentes de celles proposées lors des cours magistraux, notamment
l'apprentissage par projets. À travers ces dispositifs pédagogiques, les étudiants travaillent en groupe à la réalisation
concrète d'une expérience ou d'une recherche. Ils sont ainsi à la fois entraînés à la pratique de l'interdisciplinarité et
confrontés aux contraintes du travail collectif (notamment la dimension affective et les discriminations au sein des groupes).
Ces expériences permettent aux étudiants et aux enseignants de travailler et de modifier leur identité d'acteurs de l'éducation,
les uns en devenant responsables de leur apprentissage, les autres en adoptant un rôle de tuteur, d'accompagnateur.
Si la pédagogie par projet n'est bien sûr pas la seule méthode permettant aux étudiants de jouer un rôle plus actif au cours
de leur formation, elle présente néanmoins le mérite de développer des compétences que les étudiants pourront mettre en pratique
dans leur vie professionnelle.
* Enseigner aujourd'hui : quels possibles dans quel jeu de contraintes ?
Les participants à cet atelier se sont penchés sur les contraintes imposées aux enseignants depuis les réformes de l'enseignement
supérieur, ainsi qu'aux solutions mises en pratique pour y remédier.
La première difficulté mentionnée fut celle liée à l'enseignement des savoirs théoriques. Les étudiants sont parfois décontenancés
devant la complexité de ces notions, parce qu'elles se définissent souvent mutuellement. Ils doivent, au cours de leurs études,
acquérir la logique et la maturité nécessaires à la maîtrise de ces savoirs théoriques... tout en les assimilant.
Une des missions des enseignants devient alors de transformer des adolescents en adultes responsables afin de les aider à
construire leurs compétences et leur identité professionnelle, ce qui, au vu de l'évolution constante des professions, peut
nécessiter plus de temps que celui prévu par la formation (trois ou cinq ans).
D'autres contraintes ont été mises en avant par les enseignants participant à cet atelier : la lourdeur des procédures administratives,
la diminution, dans certains secteurs, du temps de formation pratique, la multiplication des structures formelles de gestion...
Mais, loin de baisser les bras, les enseignants semblent s'adapter aux contraintes par la mise en place d'initiatives personnelles
et de pratiques positives. Ces dispositifs, bien qu'améliorant partiellement la situation, ne résolvent néanmoins pas le problème
de manière définitive.
Conclusions et perspectives
Si les professeurs sont aujourd'hui conscients des nouveaux problèmes rencontrés par les étudiants, ils se sentent cependant
parfois démunis de moyens pour y remédier, parce que ces problèmes sont complexes et intègrent des facteurs qui dépassent
le cadre du cours.
C'est d'ailleurs plus généralement le passage de témoin de l'enseignement secondaire aux études supérieures qui semble ici
au coeur du débat. Le témoignage de préfets de l'enseignement secondaire a enrichi la réflexion au sein des ateliers. Il a
mis en évidence la nécessité d'articuler les solutions entre les deux niveaux d'enseignement.
Apprendre à apprendre
Ainsi, les intervenants des différents ateliers ont évoqué l'intérêt que pourrait présenter une année préparatoire aux études
supérieures, une année où les étudiants " apprendraient à apprendre ", et qui leur permettrait de confirmer leur choix d'études
et de renforcer leur méthode de travail. Parmi les autres propositions, mentionnons le tutorat des étudiants de première année
par leurs aînés ou la création de modules d'intégration permettant d'expliciter les liens entre les cours, facilitant l'assimilation
des connaissances théoriques.
L'enthousiasme suscité par des expériences telles que la pédagogie par projet, tant de la part des étudiants que des professeurs,
montre la volonté de chacun d'intégrer les réformes de l'enseignement supérieur sans pour autant renoncer à une pédagogie
personnalisée et innovante. Ces nouvelles méthodes d'apprentissages nécessitent toutefois une réflexion quant à leurs modalités
d'évaluation.
Les participants au colloque ont, dans ce contexte, fait preuve d'une réelle satisfaction à travailler ensemble et ont émis
le souhait de prolonger le débat. Certains ont suggéré d'encourager les rencontres entre les enseignants de ces deux niveaux
à l'occasion de conférences et rencontres communes. Les membres de l'un des ateliers ont déjà pris l'initiative d'organiser
un séminaire à la rentrée prochaine(2).
Pour assurer la transition entre le secondaire et le supérieur, il est donc indispensable de décloisonner les responsabilités
et les missions de chacun. Nul doute que l'organisation de ce colloque a permis de faire un pas important dans cette voie.
Christophe Patris Service EPI (Études : promotion et information) Avec la collaboration des rapporteurs des différents ateliers (Evelyne Gotto, François Smits, Dominique Daems et Françoise
De Broeu).
|