Nouveaux européens : ils ont voté... un peu comme nous
Évidemment, il faut resituer ces propos dans le contexte plus large de la rude concurrence économique entre les États et des
tensions liées aux prises de positions différentes sur le conflit irakien. Nous voudrions tenter d'apporter certaines explications
mais aussi d'aller à l'encontre de certaines contre-vérités.
L'Europe ne passionne guère...
Le taux de participation fut effectivement extrêmement faible en Europe centrale. Plusieurs explications peuvent sans doute
être avancées. Premièrement, il est utile de rappeler qu'il s'agit là d'un phénomène récurrent à de nombreuses élections
dans la région. Il s'agit là des difficultés de la consolidation démocratique. L'écart entre la population et les élites politiques
et économiques reste considérable et les différents intermédiaires tels que les partis politiques ou les organisations de
la société civile restent particulièrement faibles. Il s'agit néanmoins des taux les plus bas depuis 1989. Mais en Europe
occidentale également c'est lors des élections européennes que certains pays connaissent le plus haut taux d'abstention.
Deuxièmement, un an auparavant, les populations étaient mobilisées pour se prononcer par référendum sur l'adhésion à l'Union
européenne. La population a eu l'impression de s'être déjà prononcée.
Troisièmement, le parlement européen est certainement l'institution la moins connue dans la région. Comme dans la " vieille
Europe ", la connaissance de l'électeur sur le rôle et la fonction du parlement européen est particulièrement limitée.
Quatrièmement, les gouvernements ont peu mobilisé les électeurs autour de ce scrutin. Ils craignaient qu'un taux de participation
amplifie encore les défaites prévisibles de toutes les équipes au pouvoir. Enfin, il y a eu des éléments conjoncturels qui
ont pésé aussi dans le niveau de participation. En Lituanie, la participation a été meilleure car organisée le même jour que
l'élection présidentielle. Elle fut particulièrement faible en Pologne car les élections se déroulèrent durant un long congé.
La participation faible est donc une réalité incontestable. Par contre, l'idée que les peuples d'Europe centrale auraient
voté massivement pour des partis anti-européens, eurosceptiques, ou extrémistes doit être très largement nuancée. En effet,
en dehors de la Pologne et dans une moindre mesure de la République tchèque, on ne dénombre que peu de candidats élus sur
ce type de liste dans les autres États. Il n'y a pas de tendance fortement différente entre le vote des nouveaux et des anciens.
Extrême-droite
Dans la majorité des nouveaux membres de l'Union européenne, il n'y a pas eu de votes opposés à la construction européenne.
De même, il n'y aura vraisemblablement aucun député d'Europe centrale qui siègera avec l'extrême-droite si jamais celle-ci
parvient à se constituer en groupe au parlement européen. Contrairement à ce que de nombreuses personnes peuvent penser, l'extrême-droite
organisée et structurée est faible en Europe centrale. Elle n'est pas représentée au sein des parlements. Le Vlaams Blok,
c'est en Belgique et Le Pen, c'est en France... Pas dans les anciennes démocraties populaires.
Comme dans les autres États de l'Union, les élections européennes furent fort peu l'occasion de débats portant sur l'avenir
de l'Europe, sur le type de construction européenne ou sur l'activité des futurs parlementaires européens. Il n'y a là non
plus pas de grandes différences entre les anciens et les nouveaux membres. Les enjeux furent surtout nationaux.
Les premières élections au parlement européen en Europe centrale ont accentué certaines tendances présentes chez les quinze.
La faiblesse de la participation électorale comme nous l'avons déjà noté mais aussi la sanction des gouvernements en place.
En Europe centrale, on peut dans certains cas parler de déroutes. Parfois, aucun des partis au gouvernement ne parvient à
envoyer le moindre représentant à Bruxelles. Ailleurs, certains partis au gouvernement perdent plus de la moitié de leurs
suffrages par rapport aux derniers scrutins.
Paradoxe
Dans l'ensemble, ces élections confirment la grande impopularité des équipes en place. L'avenir de celles-ci est incertain.
Le Premier ministre tchèque a déjà été remplacé, et son collègue polonais avait pris les devants. Ceux-ci payent le prix des
politiques aux coûts sociaux extrêmement lourds menées précisément pour pouvoir entrer dans l'Union européenne. Ces dirigeants
n'ont - à tout le moins - pas été récompensés par leur population pour avoir réussi à faire adhérer leur État à l'Union européenne.
Il y a là plus qu'un paradoxe...
Jean-Michel De Waele Professeur à l'ULB directeur du Groupe d'analyse socio-politique des pays d'Europe centrale et orientale (GASPPECO)
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