À 10.000 kilomètres de Bruxelles, il déterre des momies
Esprit Libre : L'archéologie : une passion de jeunesse ?
Peter Eeckhout : Je n'ai pas de vocation. Durant le secondaire, j'étais un étudiant exécrable, j'ai terminé ma rhéto à plus de 20 ans. Ensuite,
afin de décrocher un diplôme, je me suis lancé en Histoire de l'art et archéologie, avec beaucoup de motivation, et par intérêt
pour les Mayas. Grâce à mes résultats satisfaisants, j'ai pu faire de la recherche.
Esprit Libre : Comment se retrouve-t-on occupé à creuser au Pérou ?
Peter Eeckhout : Mon mémoire et ma thèse d'aspirant FNRS portaient sur le site de Pachacamac. La première mission, en 1993, s'est déroulée
sous l'égide du musée du Cinquantenaire. Toutefois, ce premier voyage a été organisé quasi uniquement grâce à des fonds privés.
Il faut d'ailleurs bien se rendre compte qu'un archéologue, avant de devenir le " chercheur d'or " auquel le grand public
l'identifie bien souvent, se transforme d'abord en chercheur d'argent... En 1994, après quelques rebondissements et suite
au désintérêt du musée, l'ULB, par le biais de Michel Graulich, assume la direction du projet de fouilles. Ce projet faisait
l'objet d'une convention avec l'Institut national de culture du Pérou. Dans la foulée, nous avons obtenu des crédits auprès
du Bureau des relations internationales de l'ULB, de la Faculté de philosophie et lettres et du FNRS. Par la suite, le CReA,
le FRFC et diverses institutions américaines (National Geographic Society, Brennan...) ont également contribué au financement.
Esprit Libre : Pourquoi le complexe archéologique de Pachacamac ?
Peter Eeckhout : Parce que c'est un site extraordinaire. Il se situe sur la côte centrale du Pérou, à un jet de pierre de l'océan, et à 30
kilomètres au sud de Lima. L'endroit, avant tout extrêmement vaste et d'un accès aisé, est un site monumental qui représente
différentes époques et différentes cultures. Quatre d'entre elles ont laissé des vestiges sur le site, depuis le début de
notre ère, jusqu'à la conquête espagnole. Mais la constatation la plus remarquable est l'état exceptionnel de conservation
des vestiges, grâce aux conditions géoclimatiques qui préservent tous les matériaux. Historiquement, Pachacamac se révèle
également essentiel : c'est un lieu d'échanges et de contacts depuis le VIIe ou le VIIIe siècle au moins. À cet endroit, Pizarro
décide de la fondation de Lima, et fait déporter les indigènes dès 1535. Sur le site, on retrouve donc de nombreux vestiges
précolombiens, sans réoccupation coloniale qui les occulte.
Esprit Libre : Quels facteurs vous amènent à votre découverte ?
Peter Eeckhout : De tous temps, le site a été pillé. Depuis la fin du XIXe siècle, il a heureusement aussi été fouillé de manière scientifique,
et nous possédons de ce fait de nombreux renseignements. L'archéologie, c'est un peu comme le combat naval : pour aboutir
à notre trouvaille, nous avons procédé à des sondages à des endroits qui me semblaient pertinents, et nous sommes tombés sur
un cimetière, connu mais réputé épuisé. Notre chance a résidé dans la découverte d'une partie intacte du site, encore inviolée
par les pilleurs de tombes. Nous allons ainsi pouvoir " refaire " une fouille historique, celle du XIXe siècle, mais avec
des moyens modernes (archéométrie, études des restes humains, etc.). Sous les 260 centimètres d'éboulis : plus de 30 corps
ont déjà commencé à livrer leurs secrets, comme ces quelques personnes sacrifiées lors de rituels vraisemblablement religieux...
Esprit Libre : Connaissez-vous la suite des opérations ?
Peter Eeckhout : L'intérêt premier du projet reste l'architecture monumentale, et notamment les pyramides à rampes des seigneurs locaux. Le
programme de fouilles des pyramides va donc se poursuivre. Nous allons toutefois continuer à creuser le cimetière. Pour cela,
nous devrons trouver des fonds supplémentaires afin d'agrandir les recherches et de fouiller en zone. Car, au-delà de l'intérêt
pour Pachacamac, cette découverte va permettre de réévaluer une partie de la chronologie du Pérou ancien.
Esprit Libre : À l'instar de l'expédition archéologique dans " Les 7 boules de cristal ", l'épisode des aventures de Tintin, ne craignez-vous
pas d'avoir éveillé la malédiction de Rascar Capac ?
Peter Eeckhout : Écoutez, je me porte plutôt bien. Par contre, une collaboratrice vient de m'envoyer un message, et depuis que nous sommes
rentrés, elle s'est déjà rendue plusieurs fois à l'hôpital... Qui sait si la malédiction n'est pas tombée sur un autre membre
de l'équipe (rires) ?
Laurent Cortvrindt
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Un site mortuaire de 200 m2 et une trentaine de corps vieux de 1000 ans, dont 19 momifiés sont demeurés intacts : la découverte
réalisée sur le complexe archéologique de Pachacamac, au Pérou, a fait grand bruit. L'écho en Belgique a été d'autant plus
important que les excavations menées sur ce site de temples et de palais incas et pré-incas étaient dirigées par Peter Eeckhout,
1er assistant en Histoire de l'art et archéologie à l'ULB.
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