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Nouveaux-nés sans défenses ?

Les infections représentent aujourd'hui la première cause de mortalité des jeunes enfants dans le monde. Seuls des vaccins administrés dès la naissance qui confèrent une immunité de longue durée permettront de lutter efficacement contre ce fléau. Mais il y a un " hic " : le système immunitaire immature limite la réponse du nouveau-né à de nombreux vaccins. Certains gènes dans les cellules dendritiques - entendez les cellules qui déclenchent les réponses immunes - ne sont en effet activés que progressivement au cours des premiers mois. Comment ? Pourquoi ? Deux questions centrales que se posent plusieurs unités de l'Institut d'immunologie médicale (IMI), sur le Biopole de Charleroi. Parce que c'est en effet de ce " comment et pourquoi " que dépend la mise sur pied de nouvelles stratégies vaccinales des nouveaux-nés, comme en attestent leurs échanges avec des cliniciens tels que Jack Levy, directeur de l'unité d'investigation clinique de Biovallée et chef du service de pédiatrie du CHU Saint-Pierre.

Face à l'attaque d'un virus ou à l'injection d'un vaccin, notre organisme réagit de deux manières : soit il produit des anticorps qui s'attaquent aux microorganismes tels des archers du système immunitaire ; soit il active les lymphocytes T qui combattent les pathogènes dans un " corps à corps " acharné. Sous la conduite de Fabienne Willems et d'Arnaud Marchant, des chercheurs de l'IMI s'intéressent à ces lymphocytes T : ils tentent de caractériser aux niveaux cellulaire et moléculaire la différenciation des lymphocytes T en début de vie, avec pour objectif final de définir de nouvelles stratégies vaccinales pour le jeune enfant.

Le spectre du CMV...

En étudiant ces mécanismes, l'unité de l'IMI se préoccupe d'un virus en particulier, le cytomégalovirus qui, lorsqu'il atteint une femme enceinte, peut conduire à une infection congénitale sévère : l'enfant risque une microcéphalie, une atteinte neuro-sensorielle, un retard de croissance intra-utérin ou encore des anomalies hématologiques. Le CMV peut également conduire à une fausse couche précoce ou une mort fœtale tardive ou encore à une infection asymptomatique, avec risque de surdité ou de retard mental pour le nouveau-né. Cette courte énumération en atteste : le CMV est dangereux chez la femme enceinte, en particulier dans nos pays industrialisés où il constitue aujourd'hui l'infection congénitale la plus fréquente (soit environ 1% des naissances). Les travaux menés par les chercheurs de l'IMI ont permis de montrer que le fœtus est capable de développer certains types de réponses immunes anti-virales, en particulier celles médiées par les lymphocytes T CD8 cytotoxiques. Les travaux en cours actuellement indiquent, par contre, que d'autres mécanismes effecteurs du système immunitaire ne sont pas exprimés durant la vie fœtale.

Un vaccin est toutefois en bonne voie : en collaboration avec Biovallée et le CHU Tivoli, un candidat vaccin contre la transmission du CMV de la mère à l'enfant est actuellement en étude de phase 1 - c'est-à-dire en première administration clinique chez l'homme - pour GlaxoSmithKline Biologicals.

... et celui du HSV

Autre sujet d'étude au sein de l'IMI, le HSV, Herpès simplex virus. Il s'agit là d'un des virus les plus dangereux pour notre système nerveux central, une infection périnatale qui touche un enfant sur 2 à 5000 naissances. Sans traitement immédiat, l'enfant risque la mort, suite notamment à une encéphalite. Les chercheurs s'intéressent à l'interféron- , première ligne de défense contre les infections virales. Ils ont constaté que l'interféron- est produit en quantité insuffisante chez le nouveau-né confronté au HSV. Restait à comprendre pourquoi… Dominique De Wit et ses collègues se sont intéressés à la source majeure d'interféron- les cellules dendritiques plasmacytoïdes (pDCs). Ils ont démontré que les pDCs du nouveau-né exposées au HSV présentent un défaut de la translocation nucléaire du facteur IRF-7, facteur-clef pour la production d'interféron- En d'autres termes, IRF-7 n'étant pas activé de manière adéquate dans les pDCs néonatales, l'interféron- n'est pas produit en quantité suffisante, ce qui rendrait le nouveau-né plus vulnérable aux infections virales telles que HSV. Cette découverte ouvre bien évidemment de nouvelles perspectives en vue d'accélérer la maturation du système immunitaire en début de vie.

Qu'il s'agisse du CMV, du HSV ou d'un tout autre pathogène, on l'aura compris, comprendre les mécanismes immunitaires du nouveau-né - et cette désarçonnante immaturité - devraient aider à améliorer les stratégies de vaccination des nouveaux-nés. Ou quand biologie moléculaire et médecine clinique se croisent...

Nathalie Gobbe

Au sein de l'Institut d'immunologie médicale (IMI), plusieurs chercheurs s'intéressent à l'immaturité du système immunitaire du nouveau-né. Une curiosité scientifique combinée à l'intérêt du clinicien qui ouvre d'intéressantes perspectives vaccinales. Illustration avec le CMV (cytomégalovirus) et le HSV (herpès simplex virus).



 
  ESPRIT LIBRE > SEPTEMBRE 2007 [ n°51 ]
Université libre de Bruxelles