[page précédente]    [sommaire]    [page suivante]  
esprit libre

[à l'université]
 
 
 
Alcoolisation foetale Vers une nouvelle thérapie

Un enfant sur 500 naît aujourd'hui avec un retard mental dû au syndrome d'alcoolisation foetale ! La proportion parle d'elle-même : l'enjeu en termes de santé publique est évident. Jusqu'il y a peu, une hypothèse prévalait parmi les scientifiques : le retard mental était dû à la mort précoce d'un grand nombre de neurones - principalement dans les régions du cervelet et de l'hippocampe -, suite à la prise quotidienne d'alcool pendant la grossesse. Face à cette mort des neurones, les perspectives thérapeutiques étaient limitées, voire inexistantes.

Sans remettre en cause totalement cette hypothèse, des chercheurs de l'ULB et de l'UMH viennent de la nuancer. Sous la direction de Serge Schiffmann - Laboratoire de neurophysiologie, Faculté de médecine, ULB - et de Guy Cheron - Institut des sciences de la motricité, ULB et Laboratoire de neurophysiologie, UMH -, les chercheurs se sont intéressés à la région du cervelet, responsable principalement de la coordination des mouvements, de l'équilibre, de la motricité. À la lecture de la littérature, ils ont constaté contre toute attente que la perte des neurones dans le cervelet n'était pas si importante que cela : seuls 20 à 25% des cellules de Purkinje du cervelet meurent suite à l'alcoolisation foetale. Or, un individu disposant de 75% des cellules de Purkinje ne présente pas de problèmes moteurs majeurs. Donc, en cas d'alcoolisation foetale, un autre élément joue : les neurones restés vivants dysfonctionnent. Restait à démontrer ce dysfonctionnement et à l'expliquer. C'est ce que les deux laboratoires - au sein desquels deux jeunes doctorants - Laurent Servais et Raphaël Hourez - ont réalisé ces derniers mois : les résultats de leur recherche ont été publiés en juin dernier dans PNAS, la publication de l'Académie des sciences des États-Unis.

Altérations moléculaires

Les chercheurs ont démontré grâce à l'électrophysiologie sur le modèle de la souris que les cellules de Purkinje du cervelet se comportent anormalement : la plasticité synaptique - les mécanismes qui permettent de renforcer un réseau neuronal de sorte que face à un stimulus donné, la réponse est améliorée (ou en d'autres termes, l'apprentissage moteur) - dysfonctionne. Cette anomalie chez les souris nées de mère alcoolique s'explique par des altérations moléculaires : l'activité de la protéine kinase C est réduite, impliquant une phosphorylation déficiente de certains canaux ioniques, avec pour conséquence que ces canaux qui devraient laisser passer les ions sont altérés, entravant notamment le passage de l'ion calcium, élément essentiel du processus de plasticité synaptique. In fine, les neurones présentent un déficit majeur de leurs capacités d'apprentissage.

Perspectives thérapeutiques

Cette compréhension du dysfonctionnement ouvre d'intéressantes perspectives thérapeutiques : on pourrait tenter d'agir pharmacologiquement sur cette cascade altérée afin de rétablir la fonction normale des neurones. Mais beaucoup d'hypothèses doivent encore être levées auparavant : quelle pharmacologie prescrire pour rétablir la fonction des neurones ? Agir sur la cascade n'induit-il pas des effets indésirables sur d'autres cascades, sur d'autres neurones ? Les observations sur le modèle " souris " sont-elles vérifiées chez l'homme ? Etc.

Les recherches se poursuivent au sein des laboratoires de neurophysiologie de l'ULB et de l'UMH : leur prochain objectif est de développer des mesures quantitatives des comportements dysfonctionnels observés. Et bien sûr de croiser leurs observations avec les connaissances des cliniciens confrontés à ces enfants qui chaque année naissent victimes d'alcoolisation foetale.

Nathalie Gobbe

Des chercheurs de l'ULB et de l'UMH découvrent l'origine des altérations du fonctionnement cérébral dans le syndrome de l'alcoolisation foetale. Une découverte qui ouvre de nouvelles perspectives thérapeutiques à ce qui constitue aujourd'hui un véritable problème de santé publique.



 
  ESPRIT LIBRE > SEPTEMBRE 2007 [ n°51 ]
Université libre de Bruxelles