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La Belgique, dans le concert des Nations

Esprit libre : La Belgique fait partie, pour la période 2007-2008, des membres (non permanents) du Conseil de sécurité des Nations Unies. Comment est composé le Conseil de sécurité des Nations-Unies, comment fonctionne-t-il ?
Olivier Corten : Le Conseil de sécurité est composé de 15 membres : cinq sont permanents (États-Unis, Russie, Chine, France, Royaume-Uni) et disposent du droit de veto, c'est-à-dire qu'ils peuvent empêcher par leur seul vote négatif l'adoption d'une résolution ; dix sont non permanents (chaque État restant membre deux années), et sont donc élus par l'Assemblée générale de manière à assurer une " représentation géographique équitable ". Pour qu'une résolution du Conseil soit adoptée, il faut une majorité de 9 voix sur 15 ; le vote d'un membre permanent revêt donc une certaine importance, même s'il ne dispose pas du droit de veto. On l'a vu dans les semaines qui ont précédé la guerre contre l'Irak, les États-Unis tentant alors, en vain, de convaincre les " permanents " comme les " non permanents " de voter une résolution autorisant une action militaire...

Esprit libre : Quel est réellement son rôle ?
Olivier Corten : Comme son nom l'indique, le Conseil de sécurité est chargé de maintenir ou de rétablir la paix et la sécurité internationales. Il dispose à cet effet de compétences très étendues, qui peuvent aller de la simple recommandation, jusqu'à l'adoption de mesures de contrainte, y compris dans le domaine militaire. Depuis la fin de la guerre froide, le Conseil de sécurité a interprété largement ses pouvoirs, non seulement en menant ou supervisant de nombreuses opérations militaires (Somalie, Bosnie, Rwanda...), mais aussi en adoptant des résolutions à portée très générale, qui tendent à imposer des règles à l'ensemble des membres des Nations Unies, dans le domaine de la lutte contre le terrorisme essentiellement. Originairement conçu comme une sorte de " pouvoir exécutif " à compétences limitées, le Conseil semble avoir tendance à se considérer comme un véritable " législateur ", voire comme un pouvoir judiciaire.

Esprit libre : Quelles sont les questions au centre de ses débats à l'heure actuelle ?
Olivier Corten : Plusieurs dossiers particulièrement délicats sont à l'ordre du jour. On peut citer le statut du Kosovo, qui n'a toujours pas été déterminé de manière définitive, la question du Soudan ou encore celle de l'Irak et de l'Afghanistan. Il ne faut pas non plus oublier la question palestinienne, qui n'a toujours pas fait l'objet d'un traitement actif de la part du Conseil. Lors du déclenchement de la guerre du Golfe contre l'Irak en 1991, on avait affirmé qu'un nouvel ordre mondial verrait le jour, avec l'application uniforme du droit international et des résolutions du Conseil de sécurité. Plus de 15 ans après, ces résolutions, qui prévoient notamment le retrait par Israël des territoires occupés, n'ont toujours pas été appliquées.

Esprit libre : Pratiquement, peut-on dire que le Conseil de sécurité arrive à exercer une réelle influence ?
Olivier Corten : Comme l'exemple de la Palestine le montre, l'influence du Conseil dépend directement de la volonté politique de ses membres permanents. Le respect des résolutions a été assuré après l'invasion du Koweït par l'Irak, mais Israël peut, en revanche, poursuivre son occupation en violation du droit international sans craindre de subir des sanctions. Seule l'Assemblée générale ou la Cour internationale de Justice - avec son avis sur le mur - ont clairement condamné Israël récemment. Le Conseil de sécurité reste, pour des raisons politiques, en retrait sur ce dossier central. Lorsqu'il le souhaite, le Conseil peut en revanche peser sur certains dossiers, comme on peut le voir au Soudan, dont le gouvernement a été amené à accepter une mission conjointe de l'Union Africaine (UA) et de l'ONU.

Esprit libre : Qu'est-ce que la participation de la Belgique au Conseil de sécurité représente au plan international ? Quel peut être son apport ?
Olivier Corten : La Belgique dispose des mêmes compétences que les 9 autres membres non permanents. Sa voix est importante pour atteindre la majorité spéciale requise. Par ailleurs, la Belgique peut exprimer son opinion et tenter de faire évoluer certains dossiers. Son statut de petite puissance lui permet sans doute parfois d'appréhender les dossiers de manière plus indépendante, encore qu'il ne faille pas exagérer celle-ci. L'histoire montre en effet que la Belgique s'est le plus souvent alignée sur ses alliés les plus puissants, qu'il s'agisse d'États européens mais aussi des États-Unis.

Par 180 voix, les membres de l'Assemblée générale ont voté, en octobre 2006, en faveur de la candidature de la Belgique au poste de membre non permanent du Conseil de sécurité de l'ONU. Un poste occupé pour deux ans et depuis 2007. Olivier Corten, professeur de droit international nous éclaire sur les compétences du Conseil de sécurité, son évolution, et aussi sur le rôle spécifique que la Belgique joue ou peut jouer dans le concert des Nations.



Une approche belge... européenne ?

À l'occasion de l'élection de la Belgique au Conseil de sécurité, le Premier ministre Verhosfstadt et le ministre des Affaires étrangères, Karel De Gucht s'étaient montrés fort enthousiastes. Karel De Gucht, mettant notamment en avant l'importance d'une approche concertée avec les autres partenaires européens siégeant également au Conseil de sécurité (actuellement l'Italie et la Slovaquie). Un (petit) pas de plus vers une " politique européenne commune " ?

 
  ESPRIT LIBRE > SEPTEMBRE 2007 [ n°51 ]
Université libre de Bruxelles