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Michel Vanden Abeele Des chiffres et des lettres pour l'Europe

Esprit libre : Quels sont les moments forts, les rencontres qui ont marqué votre évolution professionnelle ?
Michel Vanden Abeele : Après des études en sciences économiques, et un passage par la Tunisie comme lauréat du Prix du Ministre du Commerce extérieur en 1966, l'Université m'a proposé un poste de chercheur à l'Institut de sociologie et d'assistant d'Henri Simonet pour le séminaire de questions financières. Cet ancrage dans le monde académique m'a familiarisé à la pratique de la recherche, à la planification, à la prospective et à la réflexion stratégique. La rencontre avec Henri Simonet a été cruciale. Je le suivrai au Ministère des Affaires économiques d'abord, à la Commission européenne ensuite comme chef de Cabinet où j'ai notamment rencontré Karel Van Miert... À la faveur d'un concours, je deviens membre de la fonction publique européenne, d'abord au Secrétariat général de la Commission. Ce sera ensuite les retrouvailles avec Van Miert qui, à deux reprises, me choisira comme chef de Cabinet.

Esprit libre : La suite vous conduit au plus haut grade de l'administration européenne - un sommet auquel peu de Belges sont parvenus. Ce qui vous ramène aux chiffres et à la gestion...
Michel Vanden Abeele : Je serai, en effet, directeur général à la Politique d'entreprise, puis à la Fiscalité et l'Union douanière et enfin à la Direction générale de Traduction, la plus grosse DG de la Commission, où j'aurai à organiser le passage de 11 à 20 langues. C'est également ces qualités de gestionnaire qui me valent de prendre les rênes d'Eurostat en 2003.

Esprit libre : Vous terminez votre carrière européenne à Paris, comme chef de la Délégation de la Commission auprès de l'OCDE et de l'UNESCO : contexte plus serein mais non moins intéressant ?
Michel Vanden Abeele : J'y suivrai deux dossiers importants : à l'UNESCO, la Convention sur la promotion de la diversité culturelle, et l'élargissement de l'OCDE.

Esprit libre : Compagnon de route et artisan de la construction communautaire depuis près de 35 ans, quel regard portez-vous sur l'Europe aujourd'hui ?
Michel Vanden Abeele : Elle est confrontée à deux questions majeures. Elle doit " digérer " les élargissements successifs et réfléchir à tout nouveau pas dans ce sens. Les nouveaux membres n'ont pas la même compréhension de l'intégration communautaire. Il faut argumenter vis-à-vis d'un euroscepticisme fondé sur une histoire différente. L'Europe connaît des problèmes de gestion qui peuvent se régler dans le cadre des Traités actuels. C'est la seule voie possible. Il faut montrer que les choses fonctionnent aujourd'hui sur la base institutionnelle actuelle.

Esprit libre : Qu'est-ce qui peut faire repartir la machine européenne aujourd'hui selon vous ?
Michel Vanden Abeele : L'avenir pour l'Europe passe par un effort important de pédagogie : je plaide pour un système transparent et compréhensible sur les ressources de l'Union, les réalisations, les acquis. Pour faire naître un sentiment de solidarité communautaire qui tourne le dos au jeu du 'juste retour' mais au contraire qui soit l'expression la plus noble d'une volonté d'un destin commun. L'Europe s'inscrit aussi dans une étape de transition vers une délégation de pouvoir à l'échelon supranational. C'est un système original, communautaire et démocratique, qui n'a pas d'équivalent dans l'Histoire. Un regret tout de même concernant le système de financement : toutes les ambitions budgétaires dans le droit fil du rapport Sapir, notamment au profit de la recherche/développement ou de la politique étrangère, sont bloquées et les dépenses pour la politique agricole commune sont toujours largement prédominantes.

Esprit libre : Malgré cette carrière si bien remplie, vous n'avez jamais coupé les liens avec notre Université...
Michel Vanden Abeele : J'ai poursuivi des enseignements jusqu'à ce jour, à l'Institut d'études européennes et à la Solvay Business School. " On ne comprend bien que ce qu'on doit expliquer ". Je pilote des mémoires, ce que je considère comme " un devoir social " quand on est prof ! J'ai été directeur de l'IEE en période de crise, membre élu au C.A. et coopté, marquant par là ma volonté d'attachement à notre Maison.

Esprit libre : Votre vision de l'Université ?
Michel Vanden Abeele : : Je mettrai à l'avantage des universités belges d'associer enseignement et recherche. Les universités européennes comptent à leur actif une généralisation à tous les niveaux de la mobilité et des échanges d'étudiants. " L'ailleurs n'est plus uniquement les États-Unis ". Les technologies de l'information/communication ont changé fondamentalement le système universitaire. C'est une nouvelle révolution qui changera la donne : nous aurons besoin de plus de moyens mais de moins de locaux, à l'ère de la " télé-université "... Un autre défi concerne bien évidemment l'émergence de centres d'excellence.

Esprit libre : Vous amorcez une nouvelle étape de votre vie... Quels sont vos projets ?
Michel Vanden Abeele : Je voudrais écrire sur la fonction publique européenne, et m'investir dans une réflexion à caractère humaniste, toujours prêt à servir l'ULB.

Chantal Zoller


Michel Vanden Abeele vient de fêter ses 65 ans. Belle opportunité, s'il en fallait une, pour rencontrer cet " ancien " de notre Alma Mater : sa carrière à la Commission européenne et à l'Université lui a donné une expérience rare et une vision des plus originales. Si son parcours est difficile à retracer en quelques lignes, trois axes scandent néanmoins son cheminement professionnel : la recherche et l'enseignement universitaire, la (plus) haute fonction publique européenne, le conseil et le travail de cabinet en Belgique et à l'Union européenne.



 
  ESPRIT LIBRE > SEPTEMBRE 2007 [ n°51 ]
Université libre de Bruxelles