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Le tutorat de l'ULB primé par l'UNESCO

En 1989 démarrait à l'Athénée Royal Paul Delvaux un projet-pilote de tutorat sous l'égide de l'ULB, avec l'objectif de venir en aide à des élèves du secondaire supérieur en décrochage scolaire. Ce programme de soutien était à l'époque tout à fait original puisqu'il n'existait rien pour les élèves du secondaire supérieur. Son dispositif pédagogique consistait à faire encadrer des petits groupes de 3 à 8 élèves dans l'enseignement secondaire, par des étudiants de l'Université. Aujourd'hui, le programme de tutorat se poursuit avec succès dans une vingtaine d'établissements scolaires de la région bruxelloise, épaulant ainsi plus d'un millier d'élèves grâce à une centaine d'étudiants-tuteurs.

De nouveaux modèles sociaux

Selon Annick Coutisse et Caroline Gagno, les chevilles ouvrières du programme, " l'estime de soi de ces élèves est améliorée, compte tenu du fait que les tuteurs sont proches en âge, ne sanctionnent pas, préparent à l'évaluation et sont donc vécus plus comme des amis, des grands frères ou des modèles ". Ainsi, 60 % des élèves qui sont réguliers aux séances améliorent leurs performances scolaires. " À côté du soutien apporté aux élèves sur le plan des connaissances et de l'appui apporté aux enseignants, il est évident que ce projet permet d'introduire de nouveaux modèles sociaux dans le système de références des élèves ", ajoutent-elles. L'image positive des étudiants-tuteurs - qui réussissent leurs études universitaires - contribue à la mise en place d'objectifs et de projets d'avenir plus ambitieux que ceux généralement acquis dans un milieu défavorisé.

Une école sur cinq à Bruxelles participe ainsi à cette opération. " Il s'agit principalement d'écoles en discrimination positive ", souligne Ahmed Medhoune, le responsable du programme. " Situées dans des communes paupérisées de l'axe Nord-Sud de Bruxelles, leur public est, là plus qu'ailleurs, issu de l'immigration, de milieux défavorisés et présente un taux d'échec et donc un retard scolaire importants. Ces écoles sont confrontées au fait que bon nombre d'élèves ne maîtrisent pas la langue française et doivent faire face à une présence non négligeable de primo arrivants ".

Dans la majorité des cas, le tutorat est gratuit ; mais cette décision est laissée à l'institution qui choisit parfois de faire payer une somme modique à l'élève, à titre d'engagement. La " culture " de l'école est donc respectée, condition sine qua non de réussite d'insertion pour les promoteurs du programme.

Au sein de l'école

À la différence de nombreuses aides scolaires, le tutorat consiste en effet à introduire un nouveau type d'acteurs dans l'école même. Il s'agit d'étudiants de l'ULB, en partie issus de l'immigration, qui s'impliquent dans un processus d'apprentissage à l'intention d'élèves défavorisés. " Un projet tel que celui-là implique l'adhésion de tous les acteurs et une coordination locale ", ajoute Ahmed Medhoune. " L'attribution de la médaille Comenius nous confère une légitimité et un label qui devraient nous aider dans notre travail quotidien, pour vaincre certaines résistances et permettre une meilleure complémentarité avec les enseignants ". La présence des tuteurs vise à apporter un soutien aux équipes pédagogiques confrontées aux problèmes que posent la taille et l'hétérogénéité des classes... en aucun cas à se substituer aux enseignants. On conçoit donc bien toute la difficulté de l'articulation d'un tel projet.

Pour les tuteurs, il s'agit d'une expérience exceptionnelle en termes d'attitude et de savoir-faire. " Il faut pré-digérer la matière ", souligne Ahmed Medhoune, " être patient, communiquer, échanger... Cela constitue une plus-value qui est valorisable ensuite auprès des employeurs".

De nouvelles perspectives

Sans le soutien des autorités politiques de la Région de Bruxelles-Capitale, le programme de tutorat de l'ULB n'aurait jamais pu voir le jour et se développer. Au fil du temps, il a également pu bénéficier de l'aide de la Communauté française de Belgique et de celle de certaines communes bruxelloises. " Aujourd'hui, nous espérons, par la médaille Comenius, obtenir une stabilisation du financement " indique Ahmed Medhoune, " et aussi nous tourner vers des villes comme Charleroi, Mons, Liège et Anvers notamment ".

Isabelle Pollet


Le 10 septembre dernier, l'UNESCO a décerné - et pour la première fois à une université européenne, et à la Belgique - la médaille Jan Amos Comenius au programme tutorat que l'ULB mène depuis 15 ans. Cette médaille, qui récompense le seul projet primé dans le domaine de la recherche et de l'innovation en éducation, devrait permettre d'étendre ce programme à de nouvelles écoles en difficulté.



Des tuteurs témoignent
" Je me suis engagée dans le tutorat car j'avais besoin d'une activité tournée vers l'aide aux autres. Je souffrais de l'individualisme ambiant à l'Université. Le tutorat m'a apporté une meilleure connaissance de moi-même et m'a permis de me lancer des défis. Aujourd'hui, j'ai des responsabilités envers des jeunes en difficulté. J'aime l'atmosphère de collaboration qui règne entre les tuteurs et leur capacité à se remettre en question ".
Fantine Baonville
2e licence Information et Communication

" Je suis étudiant en Sciences appliquées. Les adolescents ne connaissent généralement pas ce type d'études. Ils me posent beaucoup de questions sur ma scolarité. (...) Ma plus belle récompense, je l'ai reçue le jour où j'ai revu certains de mes anciens élèves sur les bancs de l'Université ".
Hervé Iyolo Mbembé
1re licence en Sciences appliquées

 
  ESPRIT LIBRE > OCTOBRE 2004 [ n°25 ]
Université libre de Bruxelles