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Maladie de Chagas : les avancées du Laboratoire de parasitologie de l'ULB

Notre équipe de recherche multidisciplinaire travaille essentiellement sur l'infection congénitale (de la mère à son foetus) par le protozoaire parasite flagellé Trypanosoma cruzi, agent de la maladie de Chagas. Cette maladie est souvent associée à la pauvreté. Pour l'Amérique latine, ce problème de santé publique est considérable : 16 à 18 millions de personnes sont infectées, 3 à 4 millions souffrent de pathologies invalidantes, et 45.000 personnes par an en décèdent.

Contrôler l'infection congénitale

Cette infection évolue généralement vers une phase chronique asymptomatique. Si cette forme indéterminée peut durer toute la vie chez 60 à 70% des patients, elle évolue, 10 à 30 ans après la contamination chez les autres patients, vers des formes chroniques symptomatiques, cardiaque ou digestive. À côté des traitements médicaux et/ou chirurgicaux propres à chaque forme clinique, seulement deux médicaments trypanocides sont actuellement disponibles : le benznidazole et le nifurtimox. S'ils sont actifs dans les formes aiguës et au début de la forme chronique, ils restent généralement inefficaces dans les formes chroniques plus évoluées. La prévention de la maladie de Chagas repose sur la lutte par insecticides contre les vecteurs intra-domiciliaires et le contrôle des banques de sang. Ces stratégies ont montré leur efficacité dans les pays où elles ont été appliquées (Brésil, Chili,Uruguay), où le nombre de nouveaux cas d'infection a considérablement diminué. Par contre, l'inexistence d'une stratégie de contrôle de l'infection congénitale a fait de la transmission materno-foetale la principale voie de contamination par le parasite dans ces régions.

Coopérations avec la Bolivie, le Pérou, le Chili

Basé à l'ULB, notre groupe, grâce à des programmes de coopération (CUD/CIUF, APEFE, CGRI, DRI), travaille essentiellement en Bolivie, en collaboration avec l'Universidad Mayor de San Simon (UMSS, Cochabamba), mais aussi au Pérou (Universidad Peruana Cayetano Heredia, Lima) et au Chili (Universidad de Chile, Santiago). Nos recherches multidisciplinaires visent à obtenir des informations sur les mécanismes de transmission materno-foetale des pathogènes et sur l'immunité en début de vie. L'immaturité du système immun est considérée comme responsable de la très haute morbi-mortalité des maladies infectieuses survenant à ce stade de la vie (la maladie de Chagas congénitale cause la mort de 2 à 14 % des nouveau-nés infectés).

Ces recherches ont déjà permis d'obtenir quelques résultats conséquents, parmi lesquels : la démonstration, pour la première fois, que le foetus humain est capable de surmonter son immaturité immunologique et de développer une réponse immune spécifique du parasite, capable de limiter l'infection congénitale ; la définition du statut immunologique des mères transmettant le parasite, qui présentent de fortes parasitémies, associées à une moindre capacité à produire l'interféron-? (une cytokine importante dans le contrôle immunologique de l'infection) ; la mise en évidence de l'influence du fait d'être né d'une mère infectée sur la réponse immune aux vaccins ; et, de manière plus concrète, le développement de méthodes simples et fiables de diagnostic biologique de l'infection congénitale, et la mise au point d'un protocole de traitement des nouveau-nés infectés.

Ces recherches ont ainsi permis de proposer une stratégie raisonnable de contrôle de l'infection congénitale par T. cruzi, basée sur le diagnostic systématique à la naissance et le traitement immédiat des nouveau-nés positifs. Notre groupe, à la demande du gouvernement bolivien, développe actuellement un programme national de formation du personnel de santé à cette stratégie mise au point à Cochabamba. Ce programme, soutenu par la coopération de la Communauté française de Belgique (APEFE, CGRI, DRI), permettra, à terme en Bolivie, de guérir 2.000 à 3.000 nouveaux-nés infectés par an. Un colloque international a aussi été organisé en Amérique latine, avec l'ensemble des professionnels de la maladie de Chagas congénitale, afin de les sensibiliser à la possibilité de développer une stratégie continentale de lutte contre ce fléau. En juin 2004, l'Organisation mondiale de la santé a reconnu cette stratégie comme le modèle à appliquer, et a demandé son introduction dans les législations sanitaires de tous les pays des Amériques. Une stratégie qui permettrait d'éliminer l'infection chez 10.000 à 20.000 nouveau-nés par an.

Yves Carlier
Directeur du Laboratoire de parasitologie, Faculté de médecine de l'ULB

Elle fait des ravages sur le continent latino-américain, et pourtant on en parle relativement peu : la maladie de Chagas tue chaque année 45.000 personnes. Souvent inoculé par l'intermédiaire d'un insecte, ce fléau peut également être transmis par transfusion sanguine ou par voie congénitale. Les recherches du Laboratoire de parasitologie de l'ULB, réalisées en collaboration avec l'Universidad Mayor de San Simon à Cochabamba en Bolivie, ont permis de proposer une stratégie globale de lutte contre ce dernier mode d'infection. Avec des résultats inespérés : le protocole de traitement des nouveaux-nés a, par exemple, permis de guérir 100 % des bébés que nos équipes avaient pris en charge.



Plus d'infos : www.paho.org/english/ad/dpc/cd/dch-chagas-congenita-2004.htm

 
  ESPRIT LIBRE > OCTOBRE 2004 [ n°25 ]
Université libre de Bruxelles