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Microfinance, un outil pour les exclus du Sud

En Belgique, la commission spéciale " Mondialisation " du Sénat a récemment organisé une session sur la microfinance au cours de laquelle une proposition de résolution a été discutée. La Solvay Business School de l'ULB a aussi participé au lancement du European Microfinance Programme et du Département de microfinance du Centre Émile Bernheim (voir encadré).

La microfinance constitue-t-elle " la solution miracle " de financement dans les pays du Sud ? La question peut faire sourire les anthropologues et sociologues qui étudient depuis des dizaines d'années les systèmes de coopératives ou autre tontines. En réalité, la microfinance s'apparente plutôt à un renouveau des politiques de financement des entrepreneurs du Sud. Elle permet à des populations défavorisées d'avoir accès à des services financiers à un coût inférieur à celui des circuits financiers informels .

(Micro-) success stories

Aujourd'hui, dans le monde, près de 200 institutions de microfinance ont réussi à couvrir leurs coûts et même, pour certaines, à devenir profitables. Certaines institutions, comme l'ASA au Bangladesh, travaillant avec des populations très pauvres, sont devenues indépendantes des bailleurs de fonds . Dans quelques pays, comme la Colombie et l'Inde, ce succès a même poussé des banques commerciales à s'éloigner de leur clientèle aisée pour s'aventurer sur un terrain jusqu'alors inconnu pour elles.

Pour les chercheurs en théorie financière, ces nouveaux mécanismes offrent également un défi intellectuel. En effet, tandis que le marché se complète des produits innovants de la microfinance, les notions de risque et de rentabilité doivent être reconsidérées à la lumière de l'impact social sous-tendu. Le plus important reste incontestablement le recul de l'exclusion financière. De plus, bien couplée à des politiques publiques adéquates, la microfinance peut, avec des outils comme le prêt en groupe, créer de nouvelles solidarités.

Revers

Mais la médaille a aussi un revers. Ainsi, la microfinance a attiré une telle attention médiatique que le mouvement coopératif rural se sent de plus en plus souvent obligé d'utiliser ce terme pour accéder aux subventions dont il a encore souvent cruellement besoin. Or, la mise en concurrence avec des institutions qui visent à devenir rapidement profitables et se concentrent sur des activités génératrices de revenus rapides constitue un combat presque perdu d'avance. Appliquer les mêmes critères d'évaluation à toutes les institutions financières pénalise les plus fragiles.

À présent, le secteur de la microfinance doit pérenniser ses activités de façon que, si la mode et l'enthousiasme des bailleurs passent, les populations concernées continuent à avoir accès aux services financiers. Plus que du dernier ballon d'essai en date des politiques de coopération au développement, c'est d'un outil bien géré dont a besoin le Sud. C'est dans cette optique que les universités ont un rôle à jouer, que ce soit à travers la formation des futurs acteurs de terrain ou la recherche académique pour mieux comprendre les mécanismes complexes de la microfinance.

Marek Hudon
Aspirant FNRS, Solvay Business School - Centre Émile Bernheim, ULB

La microfinance a le vent en poupe au niveau mondial comme en atteste la proclamation par les Nations-Unies de l' " année 2005 du micro-crédit ". En fait, le terme " microfinance " regroupe les diverses activités d'intermédiation financière (micro-crédit, mais aussi micro-assurance et micro-épargne) à l'intention des personnes démunies, petites coopératives et autres micro-entreprises exclues des circuits bancaires traditionnels.



La microfinance à l'ULB

En septembre 2005, a été lancé le European Microfinance Programme (EMP), organisé conjointement le Département de coopération au développement de l'Université de Wageningen (Pays-Bas), le Département de sociologie et développement durable de l'Université de Paris-Dauphine (France), la Solvay Business School de l'ULB et l'ONG PlaNet Finance. D'une durée d'un an à horaire décalé et comportant un stage sur le terrain, il vise à former les futurs spécialistes en microfinance dans les pays du Sud.

A l'ULB, où les cours se sont déroulés en 2005-2006, le programme est accessible au sein des DES en Gestion et en Coopération au Développement et du DEA en Gestion. Il est géré par Ariane Chapelle et Ariane Szafarz, Professeurs, Céline Lefebvre, Coordonnatrice, et Marek Hudon, Aspirant FNRS. La première année, l'EMP a été suivi par 30 étudiants, la sélection sur dossiers pour la deuxième année est en cours. Les nombreux candidats sont originaires d'Afrique, Amérique Latine, Asie et Europe.

La recherche en microfinance se développe aussi dans notre université. Le Centre Emile Bernheim vient en effet de proposer la création d'une Unité de Recherche en Microfinance, qui regroupera 10 chercheurs résidents ou associés. Il s'intéressera à des problématiques telles que les politiques publiques, la gestion des risques ou la gouvernance des institutions de microfinance.

Plus d'infos ? www.europeanmicrofinanceprogram.org et http://www.solvay.edu/EN/Research/Bernheim/RsUnits_Microfinance.php

 
  ESPRIT LIBRE > OCTOBRE 2006 [ n°43 ]
Université libre de Bruxelles