Rentrée 2006
Sous le signe du châtaigner
Avant d'entendre le premier discours de Philippe Vincke en tant que recteur sur le thème " Comment décider ensemble ? ", les
quelque 2500 personnes présentes dans le Janson à l'occasion de la 173e rentrée académique de l'ULB auront, comme à l'habitude,
entendu successivement les hommages aux disparus de la communauté universitaire, l'intervention du représentant des étudiants
au CA, Cavit Yurt, de la représentante du corps scientifique et du PATG réunis, Émilie van Haute, ainsi que du président du
CA, Jean-Louis Vanherweghem.
Cavit Yurt et Goethe
Si Françoise Dupuis, Armand De Decker, Hervé Hasquin et quelques autres personnalités politiques - notamment plus de mandataires
communaux qu'à l'habitude - auront marqué de leur présence cette rentrée, c'est Kafka et Goethe qui ont rapidement été conviés
à la cérémonie par le représentant des étudiants.
Jeune mais déjà bon tribun (il a été primé l'an dernier au concours de plaidoirie humanitaire organisé par la Croix-rouge),
Cavit Yurt manie avec une relative souplesse le verbe, l'ironie et un certain degré d'insolence. Il s'est lancé dans la description
d'un scénario catastrophiste qui, selon lui, pend au nez de notre enseignement, chez nous comme ailleurs, si la marchandisation
devait l'emporter sur la qualité... En stigmatisant au passage le choix des mots et le vocabulaire déjà en vogue : " la notion
d'heure de cours a été remplacée par celle de 'crédit'. Un crédit ou, dans le jargon bolognais, un ECTS, signifiant 'Système
de transfert de crédits européens'. On croirait avoir affaire à un protocole de communication bancaire... ".
Calvit Yurt releva au passage les problématiques nouvelles dues entre autres aux choix que doivent prendre les étudiants dans
le cadre du système d'enseignement mis en place par le décret de Bologne : report des cours d'une année à l'autre, report
des examens d'une session à l'autre, mobilité étudiante à géométrie variable, formation pédagogique insuffisante des professeurs,
etc. Sans oublier de dénoncer l'adoption du décret " non-résidents ", ou autrement dit, de l'utilisation du tirage au sort
pour l'inscription d'étudiants étrangers dans certaines filières. Et de terminer son intervention sur l'histoire de Faust,
en implorant notre Alma Mater de ne pas vendre son âme au diable.
Émilie van Haute et le corps scientifique
Emilie van Haute, représentante du corps scientifique et du PATGS réunis, prit ensuite la parole pour rappeler, d'emblée,
que l'université était aussi un lieu de travail. Un lieu dont il importe non seulement de valoriser les pratiques, mais également
les acteurs. Or, souligna-t-elle, ceux-ci souffrent de deux maux en particulier : la disparité des statuts et la précarité
de l'emploi. Notamment chez les chercheurs qui forment bon gré mal gré un contingent de quelque 2000 personnes. Et d'évoquer
l'importance de la valorisation non seulement des résultats des recherches mais aussi des compétences acquises. Ou la formation
par la recherche comme piste pour réduire la précarité professionnelle des chercheurs, et permettre la transition entre les
milieux professionnels académiques et extra-académiques.
Deuxième axe de son intervention : la valorisation de la recherche par la formation doctorale et la formation via les écoles
doctorales. Terminant sur l'importance d'associer tous les acteurs de l'Université - a fortiori le corps scientifique - à
tous les niveaux de discussion tant au plan politique qu'en interne ou que dans le cadre de l'Académie universitaire à laquelle
appartient l'ULB : " L'Université est pleine de richesses et de potentialités, conclura-t-elle. Il importe à chacun de l'exposer
et la faire davantage connaître afin que celle-ci reste un lieu d'enseignement, de recherche, mais aussi un lieu de travail
convivial et attractif ".
Jean-Louis Vanherweghem et le châtaigner
Soulignant le rôle de Pierre de Maret en tant que " recteur de l'ère Bologne ", Jean-Louis Vanherweghem annonça ensuite que
la campagne d'affichage des masters était ouverte, puisque la première génération d'étudiants concernés clôturera en 2007
son premier cycle. L'occasion de marquer notre différence en matière de sciences des religions et de la laïcité puisqu'un
master sur cette thématique propose une approche scientifique des religions établies ou émergentes dans leur transversalité
mais aussi dans leur singularité. Autre exemple synonyme de fierté pour le président : le master européen conjoint en étude
du spectacle vivant.
Au chapitre des bonnes nouvelles, des avancées et des réussites, Jean-Louis Vanherweghem évoquera les 40 ans de l'Institut
d'études européennes, la place d'ECARES parmi les centres de recherche en économie les plus cotés au monde, le " Plan Langues
", les projets en immunologie, en nanotechnologie mais aussi en intelligence artificielle, en sociologie, en physique, en
bioinformatique et en biologie moléculaire, pilotés dans le cadre du 6e programme cadre au travers de collaborations européennes.
Parmi les Prix et distinctions, le président relevera celui de Pierre Gaspard, Prix Francqui 2006 pour ses travaux sur le
chaos, ou encore l'avancée prometteuse en matière de cibles thérapeutiques en cancérologie, grâce aux travaux du Laboratoire
de virologie de la Faculté de médecine.
Le président reviendra ensuite sur la place de l'ULB en matière de développement socio-économique tant en Wallonie qu'à Bruxelles.
Sur les évolutions du réseau hospitalier de l'Université, le renforcement du réseau pédiatrique, la constitution d'un centre
de cancérologie d'excellence et, bien évidemment, notre implication dans le Plan Marshall en Wallonie au travers de Biowin,
le pôle des Sciences du vivant. Synergies, complémentarités : elles sont indispensables pour un développement futur, au-delà
des traditionnelles considérations loco-régionalistes, insistera-t-il.
Sur le plan interne, Jean-Louis Vanherweghem évoquera les métamorphoses de nos campus : rénovation des espaces commerciaux
et socio-culturels dans la cité Héger, édification d'un nouveau bâtiment pour l'ISEPK, nouvelle résidence de logements au
Solbosch, etc. Augurant d'une métamorphose probable de la physionomie des campus bruxellois : Plaine, Solbosch et Erasme.
Et enchaînant sur la récurrente problématique du sous-financement de l'enseignement, en faisant référence à ce sujet à l'ouvrage
de Claude Truffin.
Vint ensuite une diatribe sur la rage décrétale de la Communauté française, rappelant à l'assemblée qu'en dix ans, pas moins
de 42 décrets et 68 arrêtés avaient frappé le monde universitaire. Pendant ce temps-là, enchaînera Jean-Louis Vanherweghem,
la santé du vieux châtaigner de l'avenue Jeanne, protégé depuis deux ans par une ordonnance du gouvernement de la Région de
Bruxelles-Capitale et qualifié d'" individu remarquable " s'est dégradée... Une manière toute présidentielle pour dire qu'un
décret ne garantit en rien la pérennité d'une institution ? Le châtaigner, en tout cas, est en de bonnes mains : la spin-off
Aliwen de l'ULB a été chargée de le surveiller.
Pour conclure, le président insistera sur les valeurs, rappelant au passage les DHC attribués durant l'année écoulée à plusieurs
personnalités pour leur action en faveur de la laïcité et de la tolérance. Ou encore le travail du Pôle Bernheim paix et citoyenneté
depuis maintenant 5 ans, ainsi que le rôle du Groupe interdisciplinaire d'études sur les femmes.
Philippe Vincke et Condorcet
Après avoir reçu les attributs de la fonction de recteur des mains de Pierre de Maret, Philippe Vincke, paré de la toge académique
et de ses nouveaux insignes, prit enfin la parole. Comment décider ensemble ? Comment une collectivité d'individus peut-elle
s'organiser pour prendre des décisions de commun accord ? Et quelles solutions les mathématiciens peuvent-ils apporter aux
hommes pour choisir dans le cadre d'une décision à prendre par le groupe ? Après avoir évoqué le principe de Condorcet, la
méthode de Borda, le théorème d'Arrow et de quelques autres savants, Philippe Vincke, fort de sa démonstration, souriait en
coin à un auditoire de plus en plus perplexe... En effet, toutes les méthodes mathématiques proposées pour élire un candidat
parmi plusieurs s'avéraient porteurs de résultats... différents ! Et Philippe Vincke de mettre en évidence les paradoxes de
ce résultat, en rappelant qu'aucun algorithme au monde ne permettra jamais, seul, de prendre de bonnes décisions. La raison,
les valeurs et les idées restant indispensables. Le libre examen a donc encore de l'avenir.
Alain Dauchot
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La rentrée académique 2006 de l'Université libre de Bruxelles aura été marquée par la passation de pouvoir entre Pierre de
Maret et Philippe Vincke. Un moment d'émotion perceptible, précédé par les discours des représentants des différents corps
de l'Université. Des discours qui ont rappelé à l'assistance - venue en nombre au Janson en ce vendredi 15 septembre - que
les temps ne sont pas simples pour notre Université. Même si les occasions de se réjouir sont pourtant nombreuses, comme l'évoquera
le président Vanherweghem en énumérant quelques-uns des succès de l'année écoulée.
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Passage de symboles à l'Université
C'est avec une certaine émotion que la salle a suivi la transmission des symboles de l'Université des mains de Pierre de Maret
vers celles du nouveau recteur, Philippe Vincke. Le toujours recteur Pierre de Maret a d'abord remis au presque nouveau recteur,
le livre symbolisant les valeurs de notre Université, garant de la liberté, de la fraternité et de l'égalité. Philippe Vincke
a reçu ensuite le sceau de l'Université, marqué des flambeaux, symboles de la liberté et des lumières de la raison et qui
authentifie les documents et les diplômes. Puis le symbole de l'unité de l'Université avec les Facultés. Pierre de Maret a
alors fixé à l'épaule gauche de son successeur, l'épitaphe rectorale : " Philippe Vincke, vous devenez le 64e recteur de l'Université
libre de Bruxelles ". Le nouveau recteur s'est ensuite levé pour saluer l'assemblée qui s'est levée pour l'applaudir.
Les textes des discours sont disponibles sur : http://www.ulb.ac.be/docs/Discours2006.pdf
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