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Denis Marion Une vie au front des idées

Essayiste, auteur dramatique, scénariste, romancier, biographe, traducteur, critique littéraire, critique d'art et, avec persévérance, critique de l'art cinématographique, Denis Marion (pseudonyme de Marcel Defosse), est fort oublié de nos jours. Depuis longtemps, les inventaires des lettres françaises de Belgique ne disent mot de l'auteur de Si peu que rien. Il y a là un déni de justice qu'il fallait réparer et l'ULB va s'y employer.
Marcel Defosse, né le 15 avril 1906, vint très tôt à la littérature : à l'âge de dix-huit ans, il publiait sous son patronyme Vierges, un recueil de douze petits poèmes à la manière des tankas japonaises. Diplômé par l'ULB docteur en droit en 1927, il exerça le métier d'avocat jusqu'au lendemain de la Libération, tout en s'adonnant, sous son pseudonyme, à une activité de critique littéraire et culturel, révélatrice de la nécessité pour lui d'associer ses collaborations à une forme d'engagement artistique ou politique. C'est ainsi qu'il fut l'un des collaborateurs le plus assidus de la revue Variétés, périodique d'avant-garde couvrant la totalité de la création artistique qui lui donna la possibilité de manifester, dès 1928, la fascination qu'exerçait sur lui l'art cinématographique.

Une plume engagée

De 1936 à 1940, il assuma la fonction de rédacteur en chef de Combat, hebdomadaire dénonçant le danger fasciste qui pesait sur la Belgique depuis l'effrayant succès électoral du rexisme. Léon Degrelle ayant annoncé, en 1938, la démission d'un député rexiste de Bruxelles et de son suppléant, ce qui entraînait une élection partielle, Combat imagina la bonne riposte : dès le lendemain, une édition spéciale du journal proposait la candidature unique du premier ministre Paul Van Zeeland. La débâcle électorale du rexisme qui en résulta était, pour une grande part, l'oeuvre de Denis Marion et de son comité.
L'inspiration littéraire de Denis Marion répondait à la diversité des matières et des questions qui mobilisaient sa réflexion. Son intérêt pour le cinéma l'amena à écrire non seulement chroniques et comptes-rendus, mais aussi quelques livres spécifiques tels que Aspects du cinéma (1945) et André Malraux (1970) qui fut réédité en 1997 sous le titre plus explicite Le Cinéma selon André Malraux. À ces ouvrages très appréciés des connaisseurs, il convient d'associer son roman Si peu que rien (1949), dédié à René Clair et qui évoque avec une redoutable lucidité les hommes et les choses du cinéma français des années trente. Notons aussi sa participation à la réalisation du film " Espoir " (Sierra de Teruel).

L'autre grand objet de la curiosité de Denis Marion était la littérature anglo-saxonne, à laquelle, bon angliciste, il accédait sans devoir recourir aux traductions. Il inaugura en 1941 la série des livres qu'il consacra à des auteurs de langue anglaise : dans La Méthode intellectuelle d'Edgar Poe, il analyse subtilement la démarche de l'écrivain américain face à des questions qui l'intriguaient : les modes de divination, les cryptogrammes, certaines énigmes policières.

Du barreau au journalisme

Nommé après la Libération directeur des services parisiens du journal Le Soir, il abandonna sa toge d'avocat et entra dans la carrière du journalisme professionnel. L'ULB, par deux fois, rendit hommage à son brillant parcours professionnel : en 1959, elle le chargea du cours " Déontologie de la presse " et, en 1964, elle lui attribua un cours nouvellement créé, " L'Art cinématographique, son histoire et ses moyens d'expression ".

On ne peut parler de Denis Marion sans préciser qu'il correspondait avec de nombreux écrivains et artistes, parmi lesquels les éminents surréalistes Magritte, Nougé, Mariën, Scutenaire et Irène Hamoir ; qu'il était un spécialiste reconnu du jeu d'échecs et du bridge, auxquels il consacra des ouvrages aujourd'hui recherchés et qu'il fit éditer et connaître Magie familière, l'admirable recueil poétique que son ami Roger Goossens, professeur de littérature grecque et de sanscrit à l'ULB, refusait de publier de son vivant. Denis Marion que l'on avait vu sur tous les fronts de la culture littéraire et artistique, s'éteignit à Paris le 15 août 2000.

Paul Delsemme
Historien de la littérature, chercheur au Centre de sémiologie du théâtre

À l'occasion du centenaire de la naissance de Denis Marion, la Réserve précieuse des Bibliothèques de l'ULB rend hommage à cet auteur belge injustement méconnu au travers d'une semaine riche en activités. Un aperçu de sa riche bibliographie laisse transparaître les traits d'un intellectuel aux multiples facettes passionné de cinéma, de littérature anglo-saxonne et d'échecs.



NB : retrouvez l'intégralité du texte de Paul Delsemme à l'adresse suivante : http://www.bib.ulb.ac.be/fr/expositions/denis-marion/

Le programme
Colloque, expos, projections, tournoi d'échecs... Du mardi 28 novembre au samedi 2 décembre 2006 :
- Tous les jours de 11h à 20h : deux expositions consacrées à l'oeuvre, aux activités et aux amitiés de Denis Marion et des projections de films en boucle.
- Le 28 novembre de 9h à 18h : colloque " Denis Marion, une méthode intellectuelle ".
- La projection de quatre films et deux représentations d'une adaptation de L'Affaire Fualdès, mélodrame de D.Marion par la compagnie " Les Acharnés ".
- Un tournoi d'échec et un défi simultané opposant Luc Winants, grand maître international, à 30 joueurs chevronnés.
Consultez le programme dans son intégralité : http://www.bib.ulb.ac.be/fr/expositions/denis-marion/programme-des-manifestations/rubrique Actualités
Infos : Réserve précieuse 02 650 24 23

 
  ESPRIT LIBRE > NOVEMBRE 2006 [ n°44 ]
Université libre de Bruxelles