Valorisation en Wallonie : l'Université amorce le virage
Esprit Libre : L'ULB s'est, ces derniers temps, fortement tournée vers la valorisation, en particulier en Région wallonne. Comment expliquer
cette tendance ?
Véronique Cabiaux : La plupart des universités intègrent aujourd'hui dans leur 3e mission, l'interaction avec les entreprises et même la création
d'emplois. Un mouvement en ce sens est enclenché depuis une dizaine d'années. Des pionniers y ont répondu très tôt, selon
leur domaine de compétences. Il existe les incubateurs d'entreprises tels que le Centre de technologie et de gestion des affaires
(CTGA) à Nivelles et l'European Erasmus Business and Innovation Center (EEBIC) à Bruxelles. Un entrepreneurship center (ECULB)
vient de voir le jour. Plusieurs promoteurs ont également créé leur spin-off. La cellule interface (département recherche)
a aussi été mise sur pied à l'Université pour favoriser cette interaction avec le monde entrepreneurial. Enfin, ces dernières
années, les aides de l'Objectif 1 en Hainaut nous ont poussés à nous axer d'autant plus vers la valorisation, en particulier
à travers des structures juridiquement spécifiques.
Esprit Libre : Face à cette tendance, l'Université s'interroge
Véronique Cabiaux : Cette mission tournée vers l'extérieur pose en effet une série de questions pour l'institution : qu'externaliser ? Comment
adapter la structure universitaire au monde de l'entreprise ? Comment gérer ses relations avec cet environnement économique
? Comment protéger la mission de l'Université qui est la production de connaissances ? Actuellement, nous réfléchissons à
toutes ces questions qui portent tant sur le secteur financier que sur les ressources humaines ou encore la propriété intellectuelle.
Nous voulons mener une politique intégrée.
Esprit Libre : Le mouvement est international. N'avons-nous pas des leçons à tirer des expériences de nos voisins ?
Véronique Cabiaux : Certainement. Nous avons rencontré à ce propos des collègues de Grenoble, Lyon ou du Québec : plusieurs modèles existent bien
sûr. Un des intérêts à voir le processus contrôlé par l'Université est de pouvoir insuffler nos valeurs. Nous avons par exemple
visité un incubateur où a été rédigée une charte de l'éthique : toute société qui s'y installe, s'engage à respecter cette
charte.
Esprit Libre : Les interactions entre les équipes et les Régions ont-elles évolué ces dernières années ?
Véronique Cabiaux : Oui, elles se sont fortement améliorées : chercheurs et pouvoirs publics dialoguent mieux aujourd'hui. Beaucoup de chercheurs
ont aussi compris qu'il était important d'offrir une vitrine de compétences la plus complète possible. Le Centre de recherches
archéologiques (CreA), par exemple, qui réunit une septantaine de chercheurs répartis sur cinq facultés, a été créé en particulier
pour gérer l'ensemble des programmes de recherche archéologique de l'Université et constituer un interlocuteur privilégié
des pouvoirs en charge du patrimoine. En une année, il a multiplié par cinq ses contrats de recherche, principalement avec
la Région wallonne.
Faire de la recherche tout seul dans son coin est aujourd'hui une aberration.
Esprit Libre : Les pôles d'excellence en Région wallonne s'inscrivent également dans cette logique de réseaux ?
Véronique Cabiaux : Oui, ce sont certainement de bons outils dont il est essentiel d'assurer la pleine transparence. Le biopôle de Charleroi en
est un exemple. Les recherches qui sont menées à l'Institut de biologie et de médecine moléculaires (IBMM) sont riches d'enjeux
scientifiques et médicaux. Certaines de ces recherches peuvent également aboutir à des applications et une valorisation économique
- mission dont se charge l'asbl BioVallée -, comme le montrent les différentes spin-off qui sont déjà présentes sur le site
de l'Aéropole : Henogen, Delphi Genetics, Euroscreen.
Nathalie Gobbe
|
Coup d'accélérateur institutionnel ces derniers mois sur la valorisation, en particulier en Région wallonne où l'Université
s'inscrit dans plusieurs pôles d'excellence (Charleroi, Mons, Tournai, Ath) et collabore à différents programmes de recherche
appliquée. Analyse avec Véronique Cabiaux, vice-rectrice à la recherche.
|
|