De Madagascar au Sri Lanka, avec escale à Charleroi
Le Sri Lanka évoque pour vous, les vacances paradisiaques sous le soleil et les palmiers ? Revoyez vos clichés directement
inspirés du dernier catalogue de votre agence de voyage : le Sri Lanka, c'est aussi, une île aux
grenouilles.
Jusqu'il y a peu, seules dix-huit espèces de rainettes (rhacophorinae) étaient connues au Sri Lanka. Aujourd'hui, grâce à
une recherche menée conjointement par Michel C. Milinkovitch (IBMM - ULB), Franky Bossuyt (VUB), et des scientifiques américains
et sri lankais, plus d'une centaine d'espèces ont été recensées, indiquant que le Sri Lanka est un " point chaud " de la biodiversité.
Les chercheurs ont utilisé des techniques de génétique moléculaire pour démontrer que le nombre d'espèces vivant au Sri Lanka
est 5 fois supérieur au chiffre avancé depuis des décennies.
Découvrir une telle diversité - similaire à celle rencontrée sur des îles tropicales nettement plus grandes comme Bornéo,
Madagascar, la Nouvelle Guinée ou les Philippines - est surprenant. D'autant plus inattendu que l'île a perdu plus de 95%
de son habitat de forêt tropicale où la diversité des espèces est la plus importante. C'est aussi un défi : comment préserver
cette extraordinaire biodiversité alors que chaque jour, des espèces animales ou végétales disparaissent à cause des activités
humaines ?
Grenouille
Question qui préoccupe directement Franky Bossuyt, chercheur à la VUB. Depuis plusieurs années, il étudie aux côtés de Michel
Milinkovitch, directeur du Laboratoire de Génétique de l'évolution de l'IBMM (Institut de biologie et de médecine moléculaires),
l'évolution biologique des amphibiens. Des recherches qui l'ont mené de Madagascar au Sri Lanka en passant par les laboratoires
de l'ULB à
Charleroi et ont été publiées dans des revues aussi prestigieuses que " PNAS " (Proceedings of the National Academy
of Sciences of the United States of America) ou " Science ".
Les deux chercheurs ont notamment mis en évidence à partir d'analyses informatiques de séquences d'ADN, que des grenouilles
de Madagascar et du sous-continent indien extrêmement semblables sont en fait
séparées par 88 millions d'évolution ! Une
seule solution possible : les deux groupes de grenouilles ont évolué vers des caractéristiques morphologiques, physiologiques
et de croissance excessivement similaires
mais de manière tout-à-fait indépendante. Dans certains cas, les tétards et les
grenouilles de lignées distinctes développent des caractéristiques convergentes qui leur ont permis d'envahir des zones d'habitat
similaires. Ces variations conjointes sont sans doute dues à des pressions sélectives similaires plutôt qu'à un éventuel lien
génétique.
Sans entrer dans les détails de ces recherches pointues, on se doute que se mêlent ici étroitement génétique, zoologie, paléontologie,
informatique, etc. Avec, à la clef, bien sûr une meilleure connaissance de notre biodiversité. Si environ 2 millions d'espèces
vivantes sont aujourd'hui décrites, on estime qu'il en existe encore 50 millions à découvrir ! Malheureusement, une proportion
majeure de celles-ci risque de disparaître sans que jamais, nous ne les ayons découvertes, identifiées, analysées. Pourtant,
beaucoup d'entre elles recèlent peut-être la source d'un remède contre les cancers ou les maladies infectieuses.
Quant à Franky Bossuyt, après avoir été initié par Michel Milinkovitch aux secrets de la lecture des gènes pour l'étude de
l'évolution, il forme maintenant des étudiants à la VUB où il espère fonder et diriger un nouveau groupe de recherche spécialisé
dans l'étude des amphibiens.
Nathalie Gobbe
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La génétique et la biodiversité sont au centre des préoccupations du Laboratoire de génétique de l'évolution de l'Institut
de biologie et de médecine moléculaires (IBMM). Certains amphibiens notamment intéressent directement le directeur du laboratoire,
Michel Milinkovitch et un chercheur de la
VUB, Franky Bossuyt, qui mènent ensemble leurs études dans l'Institut carolorégien.
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