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Marco au pays des fourmis

" C'est lors d'un voyage en Allemagne, en assistant à une conférence donnée par Jean-Louis Deneubourg, que j'ai eu le coup de foudre pour les fourmis. Ce chercheur de l'ULB travaillait déjà sur les insectes sociaux depuis la fin des années 70, et c'est lui qui m'a donné l'envie de me pencher sur le sujet " explique Marco Dorigo. " Dix ans plus tard, je travaille en étroite collaboration avec son équipe, en m'inspirant des modèles que Jean-Louis Deneubourg développe, afin d'écrire des algorithmes ".

Bourse Marie Curie

Car dès sa scolarité, et malgré des parents designers, Marco Dorigo voue une profonde passion pour les sciences. C'est ainsi qu'il décroche un diplôme d'ingénieur civil à l'École polytechnique de Milan, et y entreprend un doctorat en ingénierie des systèmes et de l'information. S'en suit alors un parcours de véritable globe-trotter qui le verra s'envoler pour Berkeley en Californie, avant de revenir en Europe, et de rejoindre notre université grâce à une bourse de l'OTAN et ensuite une bourse Marie Curie. Il est aujourd'hui maître de recherche FNRS et codirecteur, avec Hugues Bersini, de l'IRIDIA, le laboratoire d'intelligence artificielle de l'ULB. " Un choix facilité grâce à la qualité du cadre de travail et l'ambiance agréable qui règnent dans cette université. Et puis, ma femme et moi, nous adorons Bruxelles " !

C'est donc depuis la capitale de l'Europe que Marco Dorigo coordonne une équipe d'une trentaine de chercheurs, dispersés dans plusieurs pays. Tout a réellement débuté en 1989, date à laquelle il commence à s'intéresser aux algorithmes inspirés par la nature, et en particulier aux algorithmes inspirés par le comportement des fourmis. On observe par exemple (voir figure 1) des fourmis partant d'un nid N, pour se rendre à une source de nourriture S, en empruntant un chemin à deux voies, l'une courte (A), l'autre plus longue (B), de façon tout à fait aléatoire. Durant leur trajet, les fourmis déposent une certaine quantité de phéromone (une molécule attirant d'autres fourmis). Les fourmis qui parcourent le chemin le plus court (A) effectuent au fil du temps, bien entendu plus d'allers-retours que leurs congénères ayant emprunté le chemin le plus long (B). Ce chemin A se retrouve donc d'avantage marqué en phéromone, et, grâce à ce repère, les fourmis vont désormais, petit à petit, opter pour ce trajet, en délaissant complètement le second. Leur parcours et leurs choix se voient ainsi optimisés au maximum.

Dans le sillage des fourmis

Partant de ces observations, Marco Dorigo applique ses résultats à des problèmes mathématiques d'optimisation combinatoire et démontre, sur base de ces expériences, qu'il est désormais possible de trouver le chemin le plus court pour relier plusieurs points appartenant à un ensemble. Des fourmis artificielles " visitent " de manière aléatoire tous les points de l'ensemble, et déposent une phéromone artificielle de façon proportionnelle à la qualité du tour effectué. C'est à nouveau cette phéromone qui conduira les fourmis artificielles à sélectionner des trajets de plus en plus courts. " On peut appliquer ce procédé à un usage professionnel. Par exemple, une compagnie de livraison peut, grâce aux informations fournies par les fourmis artificielles, calculer un trajet idéal pour ses livreurs ".

Mais les recherches de notre lauréat ne s'arrêtent pas là. En observant d'autres comportements de fourmis, il a imaginé différentes applications. Ainsi, dans le projet de recherche Swarm-bots financé par l'Union Européenne, Marco Dorigo s'est inspiré de différents comportements collectifs des fourmis pour concevoir des colonies... de robots (voir figure 2). " On peut imaginer des robots travaillant en étroite collaboration, afin de résoudre des problèmes imprévus et qu'ils ne pourraient pas surmonter individuellement. Je pense, par exemple, au franchissement d'une crevasse lors d'une exploration spatiale ".

Un travail de toute une vie, d'ailleurs récemment récompensé par le prix d'excellence Marie Curie. Cette distinction, octroyée par l'Union Européenne, honore les résultats des recherches les plus remarquables obtenus par d'anciens bénéficiaires d'une bourse Marie Curie. Une nouvelle reconnaissance qui ne pourra que motiver d'avantage Marco Dorigo dans la poursuite de son oeuvre.

Laurent Cortvrindt


Pour trouver de nouvelles formules, tous les savants n'ont pas la tête dans les étoiles. Certains préfèrent par exemple passer leurs journées à scruter le plancher des vaches avec autant de succès. Marco Dorigo, scientifique de l'ULB appartenant à cette seconde catégorie, vient d'ailleurs de voir son oeuvre couronnée par un prix d'excellence Marie Curie pour sa recherche, des plus originales, basée sur l'observation des insectes sociaux. Explications.



 
  ESPRIT LIBRE > DECEMBRE 2003 [ n°18 ]
Université libre de Bruxelles