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" Mourir, cela n'est rien, mais vieillir… "

Le " patient gériatrique " se définit par une fragilité qui résulte des caractéristiques suivantes : une homéostasie (processus par lequel un organisme maintient constantes les conditions internes nécessaires à la vie) diminuée, une présentation atypique des maladies, une poly-pathologie, une prescription médicamenteuse abondante, une intrication de problèmes psychiques, mentaux et sociaux, une situation psychosociale (dépression…), une perte d'autonomie, ainsi qu'un risque de dénutrition important.

Pourquoi une unité de gériatrie ?

Sur le plan médical, il apparaît que la vision départementalisée de la médecine hospitalière centrée sur des systèmes spécifiques a permis des progrès scientifiques et techniques considérables mais ne permet pas toujours de répondre à la fragilité du profil gériatrique. De plus, au vu des multiples dimensions du patient gériatrique, non seulement médicales mais aussi sociales, psychologiques, mentales, etc., une approche globale interdisciplinaire rencontre mieux les intérêts de celui-ci. C'est ainsi qu'est né le concept de l'évaluation gériatrique globale ou standardisée (" comprehensive geriatric assessment ").

L'évaluation globale de l'état de santé d'un sujet âgé est un des défis de la clinique en gériatrie. Elle requiert une sensibilité particulière pour la personne âgée, la connaissance des aspects spécifiques de leurs problèmes médicaux, la capacité d'échanger efficacement des informations entre les divers professionnels de la santé, et enfin, bien souvent, beaucoup de patience… De plus, elle requiert une perspective différente de celle qui sous-tend l'évaluation de sujets plus jeunes. Des outils fins et spécifiques sont nécessaires pour évaluer des modifications modérées de situations chroniques (par opposition aux améliorations évidentes souvent observées lors de la prise en charge de pathologies chez des sujets jeunes).

Stratégies

Cette approche gériatrique globale a été évaluée dans une variété de protocoles. Ces derniers, repris dans une méta-analyse de Stuck et al., permettent d'améliorer l'état fonctionnel et de diminuer l'institutionnalisation des personnes âgées. Cette évaluation sous-tend la mise en place d'une stratégie d'interventions gériatriques ciblées sur les problèmes reconnus par les diverses échelles utilisées (risque de chute, malnutrition, dépression, etc.). En raison de la nature multidimensionnelle des problèmes du patient gériatrique et de la présence fréquente de multiples interactions de conditions médicales, l'évaluation globale prend souvent beaucoup de temps et est donc coûteuse. Plusieurs stratégies ont été proposées pour rendre ce processus plus performant : le développement d'une équipe interdisciplinaire avec un minimum de redondance dans les évaluations effectuées ; l'utilisation de questionnaires simples et validés pour les patients et les soignants ; l'utilisation d'échelles visant à dépister la nécessité d'une évaluation plus approfondie; l'utilisation de formulaires d'évaluation qui peuvent facilement être encodés dans une base de données informatique ; l'intégration du processus d'évaluation dans une série d'interventions ciblées en fonction des résultats.

L'intégration d' " outils " gériatriques permet de proposer des actions et des interventions réalistes et efficaces. La clinique de gériatrie de l'Hôpital Erasme participe à plusieurs projets de recherche dans ce domaine via le Collège de gériatrie, la Société belge de gérontologie et de gériatrie, et l'étude ministérielle inter-universitaire " Interface " (en cours).

Pour une solidarité entre générations

La création d'une unité gériatrique au sein d'un hôpital permet d'offrir un service adapté à la population âgée fragile. Elle permet aussi un enseignement et le développement d'une recherche scientifique. Les soignants en gériatrie illustrent la part d'humanité que notre civilisation doit avoir pour ne pas être mortelle. Si nos patients vieillissent, nos modes de pensée changent et notre société vieillit aussi. Une société tire sa force de l'adhésion de tous ses membres. On ne peut croire en une communauté qui abandonnerait ceux et celles qui, après leur vie professionnelle, ont pour seul tort de vieillir : il faut donc travailler à une vraie solidarité entre les générations, s'appuyant sur le dynamisme de la jeunesse, la force de l'âge adulte et l'expérience des aînés.

Thierry Pepersack
Responsable de l'équipe de gériatrie de l'Hôpital Erasme

En 1991, les Nations Unies ont déclaré le 1er octobre " Journée internationale des personnes âgées ". Depuis, cette journée est commémorée dans diverses parties du monde et célèbre le vieillissement de la population comme un progrès pour l'humanité.
L'accroissement de l'espérance de vie due essentiellement aux progrès sociaux, sanitaires et médicaux a fait apparaître une cohorte de sujets très âgés. Fort heureusement, beaucoup d'entre eux vieillissent bien. D'autres présentent une fragilité qui leur confère un profil " gériatrique ". Pour mieux prendre en charge ces personnes, l'Hôpital Erasme a inauguré, le 1er octobre dernier, son unité de gériatrie.



Site à consulter : Société belge de gérontologie et de gériatrie : http://www.geriatrie.be

 
  ESPRIT LIBRE > DECEMBRE 2004 [ n°27 ]
Université libre de Bruxelles