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esprit libre

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Pour une vie autonome à domicile

L'indépendance est généralement associée à la capacité d'agir seul et par soi-même, sans l'aide d'un tiers. Elle renvoie très concrètement aux gestes quotidiens, aux fameuses " activités de la vie de tous les jours ". Ce n'est pas du jour au lendemain que les capacités disparaissent ; les performances s'amenuisent progressivement mais elles ont un impact sur l'environnement individuel autant qu'elles en subissent les conséquences. Les activités de la vie journalière ne sont pas brutalement laissées à des tiers. Le processus de désengagement a souvent débuté par l'apparition d'une simple difficulté qui a conduit à une modification des us, pour se terminer par un abandon massif devant l'ampleur des efforts demandés. In fine, la personne aura dévolu à des professionnels le soin de s'occuper d'elle, revendiquant le fait de les rémunérer pour ne plus participer. Il y a là, perte de l'indépendance ( …mais pas nécessairement de l'autonomie). Pourtant, entre " faire seul, par soi-même " et " laisser faire par un autre ", il y a place pour une troisième voie : celle de l'aide technique, de l'aménagement et …de la prévention.

Qui peut intervenir et comment ?

Il est possible d'envisager une voie médiane entre l'indépendance totale à domicile et le placement en résidence. Cette voie intermédiaire ne repose pas exclusivement sur le recours aux aides familiales, infirmières et travailleurs sociaux. Par l'augmentation du nombre d'isolés, d'autres intervenants ont fait leur apparition en nombre, comme les aides familiales ou ménagères. Ils se chargent des actes de la vie quotidienne qui posent problème aux personnes. Il devient alors indispensable de faire se rencontrer offres et demandes : c'est le rôle joué par les coordinations de soins et services à domicile.

Plusieurs questions s'y posent, à la fois éthiques et pratiques : comment offrir aux plus âgés une organisation qui respecte leurs choix ? Un service d'aide qui ne décide pas en leur lieu et place ? Une organisation qui mette la personne (âgée) au centre de ses actions mais en respectant ses options et ses priorités ? Comment " faire prendre conscience " de gestes inadaptés, de pratiques inadéquates, d'un environnement familier mais potentiellement dangereux ? Comment faire changer des habitudes qui rassurent ? Comment respecter autonomie et dépendance ?

Dépendance et existence

Dans une perspective négative, le recours aux professionnels conduira sans alternative à la perte progressive d'indépendance, à la réclusion à domicile et à l'isolement social. La crainte de la vieillesse et du placement en institution sont en rapport avec la capacité d'agir par soi-même pour subvenir à ses besoins élémentaires. Il est indéniable que l'environnement (physique, matériel, affectif, relationnel... ) joue un rôle déterminant dans la manière dont peut se vivre l'indépendance fonctionnelle. Les facteurs individuels, personnels, ne sont pas à négliger. Car ce sont ces éléments qui vont motiver, encourager, soutenir… ou - au contraire - déprimer, isoler, enfermer… la personne. Sur ce phénomène, il n'y a, malheureusement, que peu d'actions possibles.

La prévention, dans la durée

On pourrait imaginer que les personnes âgées sont les plus à même de juger de la situation qu'elles vivent. Le phénomène d'habituation fait qu'elles " fonctionnent " dans leur environnement en sachant très bien qu'il n'est pas idéal mais en ne souhaitant pas nécessairement le modifier. C'est aux professionnels qu'il revient de détecter les situations-problèmes et de mettre en place les éléments qui peuvent les régler ou en prévenir l'aggravation. Il leur faut toutefois rester vigilants à la relation soignant / soigné qui peut très facilement glisser vers une relation d'assistant / assisté.

Comment " prévenir " la dépendance ? Sans l'adhésion du sujet, il n'y a pas de prévention possible. Mais des solutions, ou à tout le moins des recommandations, peuvent être avancées. Nous sommes donc contraints à une approche individualisée, au cas par cas. Il est fort difficile de modifier brutalement ce qui relève des facteurs individuels. Vouloir les transformer par une intervention extérieure rapide est irréaliste. Le seul élément facilement modulable est la transformation de l'environnement physique dans le sens d'une meilleure accessibilité ou d'une réduction de la pénibilité.

La prévention n'a de sens que si elle s'inscrit dans la durée et si elle considère le patient-client-bénéficiaire comme acteur principal de l'action qui est menée. Pour rappel, c'est bien l'individu qui se lave, s'habille, se prépare à manger, etc. S'il n'est plus le sujet de la prévention, il devient l'OBJET du traitement donné par les professionnels. Or, s'il est une chose que personne ne souhaite devenir… c'est bien un objet !

Catherine Ballant
Directrice de la Coordination de soins et services à domicile " Soins chez Soi "

Philippe Meeus
Directeur du Département paramédical Haute École Paul-Henri Spaak

Vivre à domicile le plus longtemps possible est probablement le souhait de la plupart de nos contemporains. L'augmentation de l'espérance de vie a considérablement modifié la donne, principalement grâce à la qualité des soins de santé. Mais que faire quand il n'est plus possible de " faire seul, par soi-même " ?



 
  ESPRIT LIBRE > DECEMBRE 2004 [ n°27 ]
Université libre de Bruxelles