Roberto Lavagna
L'homme qui osa dire non au FMI
Roberto Lavagna est connu dans le monde entier pour avoir imposé au système financier international la plus importante restructuration
d'une dette dans l'Histoire : il a refusé un prêt de 25 milliards de dollars du FMI en 2002 pour mettre fin à l'endettement
permanent de son pays et lancer ainsi une voie de remboursements rapides et anticipés que suivront ensuite la Russie, la Turquie,
le Brésil, l'Uruguay et l'Inde. Pour lui, la voie à prendre ne peut passer par un FMI coopté par le système financier international
dont, dit-il, " il faut se libérer ". Il privilégie de remplacer ce système par des politiques nationales solides et coordonnées.
Bref : " Pour réaliser des politiques économiques hétérodoxes, il faut être très orthodoxe ! "
Lavagna est aussi un des pères du Mercosur, la communauté économique de l'Amérique du Sud, et partisan d'un nouveau consensus
latino-américain, vu l'échec du " Consensus de Washington " fondé sur une politique de taux de change fixe et une dépendance
étroite des économies nationales à la santé du dollar américain " Plus 'Washington' que 'consensus' " soulignera l'orateur
avec humour.
L'Amérique du Sud, loin des clichés
La conférence, intitulée " South America : economic and political realities. Relationship with Europe and its insertion in
the global world ", était articulée en trois axes. Premier axe : la diversité des réalités politiques et économiques de l'Amérique
latine. Il s'avère que nous sommes loin de l'image uniformisée que les Européens ont tendance à se faire trop hâtivement.
À vrai dire, la diversité est très grande et se décline depuis l'orthodoxie macro-économique du Chili et du Mexique, jusqu'à
l'économie socialiste du Venezuela d'Hugo Chavez ou la Bolivie d'Evo Morales, en passant par des expressions plus personnelles
des politiques " macro " dans le Brésil de " Lula " et en Argentine. Les performances de l'Amérique du Sud, comparées à celles
de l'Asie, mettent bien en évidence les avancées insuffisantes en termes de croissance et de distribution de revenus. Pour
Roberto Lavagna, face à ce constat, il y a toute la responsabilité du FMI et de sa tutelle sur la région.
Deuxième axe : les négociations entre le Mercosur et l'Union européenne. Elles posent problème en raison des restrictions
de la politique agricole commune des 25. Il est très clair du côté sud-américain qu'il n'y aura pas d'accord possible, si
le secteur agricole n'en fait pas partie !
Enfin, troisième axe : les aspects de la coopération en attendant 2013, date où un accord final pour une zone de libre-échange
avec l'Europe est attendu. L'Union européenne et l'Amérique latine pourraient, en effet, collaborer dès à présent dans le
domaine des infrastructures. Pas moins de 335 projets en matière de liaisons régionales pourraient intéresser pour investissements
et participations les banques et firmes européennes. Il en va de même en ce qui concerne la société de l'information où les
deux régions ont à rattraper leur retard par rapport aux États-Unis. Enfin, elles pourraient travailler ensemble sur les biocarburants.
L'innovation d'abord
Pour Roberto Lavagna, l'Amérique latine doit jouer la carte de l'innovation. Le niveau d'éducation et la capacité d'adaptation
de sa population pour s'insérer davantage dans la société de la connaissance. Les universités y ont une place à (re)prendre
en renforçant leur relation avec les entreprises, en promouvant davantage leurs points forts vis-à-vis de partenaires potentiels
en Europe (exemples pour l'Argentine : chimie, médecine via ses prix Nobel et nanotechnologies plus récemment) pour initier
des modes d'action favorisant la mobilité académique et étudiante, ainsi que la présence de chercheurs et d'entreprises latino-américaines
dans les programmes communautaires.
Chantal Zoller et Pierre Efratas
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Diplômé de notre Université (*), économiste, ministre argentin des finances de 1985 à 1987 et de l'économie de 2002 à 2005,
ancien ambassadeur près l'Union européenne à Bruxelles et près l'OMC à Genève, Roberto Lavagna est revenu à Bruxelles, en
visite-éclair, le temps d'animer une rencontre de presse et de donner une conférence à l'ULB, en octobre dernier, à l'invitation
des économistes de notre Alma Mater et de l'Institut d'études européennes.
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(*) diplôme de troisième cycle
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