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Chaire de journalisme en Faculté de Lettres, Traduction et Communication, David Domingo travaille sur les identités professionnelles en journalisme, le rapport avec le public et les différentes formes sociales émergentes de production de contenu d’actualité. Professeur de journalisme, il co-dirige l’École universitaire de journalisme de Bruxelles (EUJB-ULB), est directeur du Centre de recherche en information et communication (ReSIC) et coordinateur du Laboratoire des pratiques et identités journalistiques, LaPIJ. Il est notamment co-éditeur de The SAGE. Handbook of digital journalism paru en 2016.


david.domingo@ulb.ac.be


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David Domingo en vidéo, dans Clichés! Instantanés de la recherche à l'ULB

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Avril 2016 - Panama Papers

David Domingo, Centre de recherche en information et communication – RESIC


David Domingo, après l’impressionnante enquête des Panama Papers, on a envie de vous poser une question: le journalisme d’investigation existe donc toujours?

Et la réponse est oui! En 2016, la presse est capable de mettre au jour des affaires telles que les Panama Papers qui ont notamment amené à la démission du Premier ministre en Islande et à une série d’enquêtes fiscales. C’est une belle illustration du rôle démocratique et utile de la presse!

C’est aussi exceptionnel de pouvoir mobiliser comme ici, pendant un an d’investigation, plus de 370 journalistes réunis en consortium international: aujourd’hui, avec la crise de la presse, les effectifs dans les rédactions diminuent tandis que la pression est à l’immédiateté, aux breaking news.


Plus de cent médias se sont associés pour cette enquête exceptionnelle. La concurrence existe pourtant dans la presse…

La concurrence existe mais, même si aujourd’hui, internet permet de lire des quotidiens du monde entier, on observe pourtant que le marché des médias reste essentiellement national et linguistique. Les premiers articles des Panama Papers ont épinglé les mêmes grands noms connus de tous, puis, il y a eu des déclinaisons nationales: chaque média a pointé ses figures locales.

C’est d’ailleurs aussi de cette manière que les journalistes ont mené leur investigation: les cinq journalistes belges (issus de Knack, De Tijd et LeSoir) ont analysé principalement les données liées à des Belges sur qui ils étaient les mieux placés pour enquêter.


Le site internet WikiLeaks a pour vocation de donner une audience aux lanceurs d’alerte. Pourquoi la fuite ici est-elle plutôt arrivée dans des rédactions de presse dite traditionnelle?

Les journalistes professionnels garantissent le secret des sources, c’est sans doute moins risqué pour le lanceur d’alerte de s’adresser à eux. Ensuite et surtout, les journalistes ont la compétence pour analyser autant d’informations, les creuser, les recouper, etc. Les Panama Papers, ce sont 11,5 millions de documents internes au bureau juridique Mossack Fonseca: s’ils avaient été publiés bruts sur le web, il est fort probable que beaucoup de traces auraient été très vite effacées… Ici, en revanche, les journalistes ont travaillé pendant des mois dans le plus grand secret: lorsque les articles sortent en avril, les journalistes disposent d’éléments solides; les scandales éclatent en cascade.

On voit clairement la valeur de l’information payante et le professionnalisme des rédactions qui ont développé, ensemble, les outils techniques pour échanger en toute confidentialité et analyser autant de données.


Les Panama Papers, c’est donc aussi une belle opération crédibilité pour la presse?

Oui, et c’est d’autant plus nécessaire pour nos démocraties que le journalisme conserve, voire récupère, sa crédibilité dans un moment où la puissance des réseaux sociaux semble faciliter la victoire de populistes comme Donald Trump: même si les réseaux sociaux n’ont pas fait élire le président des États-Unis à eux seuls, ils ont néanmoins sans doute amplifié le phénomène. Les algorithmes des réseaux sociaux filtrent en effet les informations que nous recevons selon notre profil; ils nous donnent donc une vision parcellaire et partisane du monde où nous vivons.

L’autre souci majeur, ce sont les fausses informations qui polluent les réseaux sociaux. Ces intox ont l’apparence d’une vraie information, un titre accrocheur, un texte bien écrit dans un style journalistique, etc., et sont largement partagées, souvent de bonne foi, par des milliers d’internautes alors qu’elles ont été créées de toutes pièces, avec un seul but: manipuler l’opinion publique.


Pourtant, la presse continue à perdre des lecteurs alors que les médias sociaux ne cessent d’augmenter leur audience…

C'est vrai que la presse écrite continue à subir une crise de lectorat: le produit papier a du mal à susciter l'intérêt de la génération numérique. On observe que 64% des jeunes (âgés de 18 à 24 ans) considèrent les sites d'information en ligne comme leur source principale, mais 28% préfèrent connaître l'actualité via les réseaux sociaux.

Principales sources d'informations selon l'âge, à découvrir dans l'infographie à droite.


Auparavant, la majorité des gens considérait que pour être un bon citoyen ou simplement pour discuter avec ses collègues, il était utile de s’informer sur l’actualité. Aujourd’hui, les réseaux sociaux sont des éditeurs de contenus comme tout autre média, l’information est disponible partout et en même temps, elle a perdu de sa valeur aux yeux du grand public.

Notre société a donc deux défis à relever. Premier défi: donner les moyens aux journalistes de mener leur travail avec rigueur, professionnalisme, déontologie et de se distinguer ainsi du reste des productions médiatiques. C’est ce qu’ils ont réussi à faire, par exemple, avec les Panama Papers. Le second défi est d’éduquer les citoyens à l’esprit critique, en particulier à l’égard d’internet et des réseaux sociaux. C’est essentiel pour distinguer les vraies informations de qualité des rumeurs ou des intox; et être à la hauteur de la liberté d’expression que garantissent nos démocraties.

Rappelez-vous

Dimanche 3 avril

À la une de Le Soir (Belgique), The Guardian (Grande-Bretagne), Aftenposten (Norvège), Asahi Shimbun (Japon), La Nacion (Argentine) et près d’une centaine d’autres journaux dans le monde, un titre: Panama Papers.

C’est la plus grosse fuite d’informations jamais traitée: 11,5 millions de documents issus des archives du bureau juridique Mossack Fonseca au Panama, un des plus grands producteurs de comptes offshore.

Au fil des éditions, les révélations se succèdent; les fortunes cachées de centaines de personnalités – politiques, culturelles, sportives, de l’économie, etc - sont révélées; les enquêtes fiscales et démissions suivront…

Un an plus tôt, une source anonyme contactait le quotidien allemand Süddeutsche Zeitung pour lui donner des documents internes de Mossack Fonseca: e-mails, notes, tableaux, fax, etc. En tout: 2,6 térabytes de données que vont décrypter, analyser, recouper pendant des mois, quelque 370 journalistes réunis dans le Consortium international de journalistes d’investigation (ICIJ).



Infographie:

Principales sources d'informations selon l'âge

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