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Directeur du Centre de Recherches Criminologiques, Philippe Mary étudie la question pénitentiaire sous ses divers aspects depuis 35 ans. Il enseigne également la politique criminelle et la pénologie en Faculté de droit et de criminologie. Il est le membre belge du Comité européen de prévention de la torture (CPT).


Philippe.Mary@ulb.ac.be

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Les établissements pénitentiaires en Belgique en 2015, © ULB www.ulb.be/ulb12mois12experts
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Nombre de détenus en Belgique en 2015, © ULB www.ulb.be/ulb12mois12experts
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Infographie:

Les détenus en Belgique

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Mai 2016 - Prisons en grève

Philippe Mary, Centre de Recherches Criminologiques


En mai dernier, les gardiens de prison protestaient contre la diminution des effectifs et le changement de leur régime de travail. Philippe Mary, 7 mois après la grève, quelles solutions ont été apportées?

Il n’y a pas grand-chose sur la table par rapport aux revendications des grévistes: le gouvernement a promis d’engager 480 statutaires supplémentaires, dont 386 agents pénitentiaires. Cependant, leur affectation n’a pas été précisée. Par ailleurs, le gouvernement a adopté son 3e "MasterPlan", qui prévoit l’extension et la rénovation de prisons existantes et la construction de nouvelles prisons, mais ceci ne concerne pas le problème des effectifs.

Pour en savoir plus sur le paysage carcéral belge, consultez l'infographie en bas de la colonne de droite.


Cette grève traduit-elle un malaise dans le secteur de la justice?

Je pense qu’il y a un malaise dans le sens où il y a un désintérêt des partis politiques pour cette question depuis plusieurs décennies. Dire que l’on va investir dans une politique pénitentiaire, par exemple, ne rapporte pas de voix aux élections. Résultat: certaines prisons sont en ruines et le nombre de détenus explose. Il y a aussi un problème d’allocation des ressources: il est déjà arrivé que la construction, tout à fait nécessaire, de nouvelles douches attende plusieurs années, mais qu’un nouveau système de sécurité soit installé sans avoir été demandé, voire sans utilité pour le personnel.


Il y a, en parallèle, une dégradation des conditions de vie des détenus…

Oui, ce sont les détenus qui pâtissent le plus de la surpopulation carcérale et la dégradation des infrastructures. La Belgique est d’ailleurs régulièrement pointée du doigt pour ces conditions de vie dégradantes, particulièrement dans les maisons d’arrêt. C’est évidemment encore pire lors d’une grève: les détenus ont été privés de douche, de soins médicaux, de sortie, etc. pendant des semaines et "seulement" 2 incidents ont été déplorés. Ca aurait pu être bien pire !

Cela fait bien sûr ressurgir la question du "service garanti". Imagine-t-on le personnel d’un home de personnes âgées ou d’un hôpital se croiser les bras sans assurer un minimum de services aux patients? Je pense qu’un tel système devrait aussi être d’application dans les prisons. La maladresse du gouvernement a été, à l’époque, d’évoquer le service minimum/garanti lorsque les grèves de la SNCB se sont ajoutées à celle des gardiens de prisons. Les deux problématiques ne sont cependant pas comparables: on parle d’être en retard au travail, d’un côté, et du respect élémentaire d’une personne, de l’autre.

Consultez l'infographie à gauche pour connaître le nombre de détenus en Belgique.


Le Masterplan du gouvernement prévoit notamment la construction de nouvelles prisons: une solution?

Une solution à la surpopulation carcérale à court terme, oui, mais pas concernant les causes de la surpopulation elle-même. Des prisons de 1200 places comme celle d’Haren, nous sommes le dernier pays à en construire. Cela ne se fait plus en Europe. À la place, il y a plusieurs initiatives pour ancrer les prisons dans un tissu urbain et social : un projet pilote de "maisons de détention" est actuellement sur la table du ministre de la Justice et pourrait être testé prochainement. Il faudrait aussi réfléchir à l’application des peines et envisager des peines alternatives pour certains délits. On parle souvent des pays scandinaves comme modèles – entre autres – pour les prisons. La différence, c’est qu’ils ont une culture de l’expertise: face à un problème, ils réunissent les acteurs du secteur, gouvernement et experts scientifiques et ils discutent ensemble d’une solution. Ici, en Belgique, j’ai l’impression qu’on répète la même chose depuis 20 ans…

Rappelez-vous

Lundi 30 mai

Après plus d’un mois de grève, la majorité des syndicats des gardiens de prisons acceptent la proposition du ministre de la Justice, Koen Geens. Le mouvement de grève se fissure et les gardiens reprennent progressivement le travail dans les semaines qui suivent.

Les gardiens de prisons protestaient depuis fin avril contre la baisse des effectifs de 10%, une conséquence du plan de rationalisation des services publics, décidé en 2014 par le gouvernement fédéral.

Alors que la grève s’éternise, les gardiens de prison sont remplacés par des policiers, puis par des militaires. Des voix se font entendre pour dénoncer le régime de détention des détenus, mis à mal par l’arrêt de travail, et la question du service minimum revient sur la table.



Infographie:

Les prisons en Belgique

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