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Directeur de recherche au FNRS, Axel Cleeremans dirige le centre de recherche en Cognition et Neurosciences de la Faculté des Sciences psychologiques et de l’éducation et est vice-directeur de l’ULB Neuroscience Institute, UNI. Il s’intéresse en particulier à la conscience et au rôle que les processus élémentaires d’apprentissage jouent dans le comportement.

Déjà récompensé d’un Advanced Grant du Conseil européen de la recherche (ERC), il a reçu le Prix quinquennal du FNRS en 2015.

Découvrez son portrait dans une vidéo réalisée par le FNRS et son témoignage dans Dessine-moi la communication.


Axel.Cleeremans@ulb.ac.be


@axelcleeremans

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Septembre 2015 - Des algorithmes créatifs

Axel Cleeremans, Centre de recherche en Cognition et Neurosciences - UNI


Axel Cleeremans, un ordinateur qui peint à la manière d’artistes célèbres, ça vous étonne?

Non, même les artistes humains utilisent des algorithmes pour reproduire leurs œuvres! Et c’est cette suite de toiles différentes mais avec de nombreuses similitudes dans la palette de couleurs, le type de traits ou le thème, notamment, qui nous amène à parler du " style" de Magritte ou de Rothko… L’artiste a une idée créatrice au départ mais ensuite, il reproduit cette idée, ce qui peut amener d’ailleurs à des variations intéressantes. A la différence de l’ordinateur où chaque étape doit être explicitée, l’homme utilise des connaissances conscientes au départ mais qui deviennent ensuite implicites, il finit par agir de manière quasi-automatique.


Mais l’idée créatrice première, elle naît d’un cerveau humain, pas d’une intelligence artificielle?

Elle pourrait également sortir d’un ordinateur! C’est d’ailleurs l’ambition du deep learning qui fait rêver quelques sociétés de la Silicon Valley: simuler les connexions neuronales à l’aide d’algorithmes et ainsi permettre à un ordinateur d’apprendre. Une œuvre s’inscrit dans un contexte particulier; elle suit un mouvement ou au contraire, prend le contre-pied d’une démarche ou d’une époque, par exemple. On pourrait donc imaginer avoir accès à d’immenses bases de données caractérisant toutes les oeuvres classiques d’une époque et donner comme instruction à l’ordinateur de créer quelque chose de radicalement différent.


Un artiste se résume-t-il à une suite d’algorithmes?

Non parce qu’un artiste a une intention consciente de communiquer quelque chose qui suscitera chez vous ou chez moi, une émotion. Et cela, c’est purement humain. Une intelligence artificielle pourra certainement créer une œuvre qualifiée d’esthétique mais il n’y aura jamais d’intention, de regard sur la vie à partager… C’est cela qui fait l’artiste et c’est pour cela aussi qu’une œuvre nous parle ou pas. Une machine est capable de capturer une mécanique de création mais elle ne peut en aucun cas partager son expérience de l’existence.


En d’autres mots, l’homme peut aujourd’hui créer une intelligence artificielle mais pas une conscience artificielle?

En effet, si la machine avait une conscience, ça signifierait que ça lui ferait quelque chose d’être cette machine plutôt qu’une autre! Or, ce n’est pas le cas. L’homme, en revanche, a conscience de sa propre existence; il a aussi la capacité de ressentir des choses, d’éprouver des émotions, de vivre des expériences subjectives… Certains scientifiques considèrent que l’homme nait avec la conscience; d’autres, dont je fais partie, estiment que la conscience est quelque chose que le cerveau apprend à faire, à travers les interactions familiales, sociales: j’imagine quel est ton état mental pour comprendre ou anticiper ta réaction et je développe ainsi la conscience de moi-même.


Si le cerveau apprend la conscience, peut-on imaginer un jour créer une A.C., Conscience artificielle?

On peut tout imaginer mais on en est loin, très loin. La conscience est difficile à étudier. En 1974, le philosophe Thomas Nagel interrogeait: What is like to be a bat (quel effet cela fait-il d’être une chauve-souris ?)? La réponse était qu’on l’ignorait: on pourrait tout savoir des algorithmes du système nerveux de la chauve-souris, on continuerait à ignorer quelle expérience du monde fait une chauve-souris. La seule manière d’y parvenir serait d’être soi-même une chauve-souris! La conscience reste privée, inaccessible au simple observateur extérieur. Et elle joue vraisemblablement un rôle dans le processus de créativité humaine. Combien d’artistes ou de chercheurs d’ailleurs, sont allés se coucher avec un problème en tête et se sont réveillés le lendemain avec une vision claire de la manière de le traiter! Leur intention créatrice était née pendant leur sommeil, sans qu’ils sachent vraiment comment…

Rappelez-vous

Mercredi 2 septembre.

Une publication sur le site d'ArXiv interpelle: des chercheurs allemands ont élaboré un algorithme qui permet aux ordinateurs de dessiner à la manière d’artistes célèbres.

L’algorithme réinterprète une même photographie d’Andreas Praefcke à la manière de Turner, Van Gogh, Munch, Picasso et Kandinsky…

Dans les années ’80 déjà, un ordinateur avait créé une nouvelle partition de Bach; par la suite, des ordinateurs ont défié les meilleurs joueurs d’échecs ou ont écrit avec le style de tel écrivain célèbre.

Des robots journalistes ont aussi fait leur apparition: en 2014, le Los Angeles Times publiait un article à peine trois minutes après un tremblement de terre grâce à un algorithme.

En septembre 2015, le robot Dreamwriter rédigeait son premier article économique en Chine…