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Chercheur au sein du Centre de recherche et enseignement en Politique internationale (Faculté de Philosophie et Sciences sociales), Christophe Wasinski mène des recherches sur la légitimation de la violence militaire par la pensée stratégique et les discours militaires. Maître de conférence, ses enseignements portent sur les politiques d’armement et le désarmement ainsi sur l’histoire des relations internationales.


Christophe.Wasinski@ulb.ac.be

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Pour en savoir +

With Love from Manchester: ce que produit la "guerre contre le terrorisme".

Un article signé Barbara Delcourt, Christophe Wasinski et Julien Pomarède sur la manière dont la « guerre contre le terrorisme » entretient la violence et s'en nourrit. En libre accès sur Mediapart.



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Mars 2017 - Des attentats, en Europe et ailleurs

Christophe Wasinski, Centre de recherche et enseignement en politique internationale


Christophe Wasinski, les attentats ont touché de très nombreux pays en 2017, en Europe et ailleurs. Comment expliquer ces attaques?

Il y a une part d’initiative de ceux qui commettent les attentats, mais il y a aussi une grande part de réaction. Comme l’écrivaient des historiens militaires dans les années 1960, on ne choisit pas de mener une guérilla si on dispose d’autres moyens de se battre. Ce qu’ils voulaient dire par là, c’est que la guérilla, comme le terrorisme, est une modalité opérationnelle du "faible". Ou, de manière quelque peu caricaturale, il s’agit de modalités d’action adoptées par dépit.

Les opérations que l’on mène depuis 2003 au nom de la "guerre contre le terrorisme" expliquent en partie les attaques actuelles. Les effets ne sont certes pas mécaniques. Toutefois, plus la pression causée par les interventions militaires augmente, plus il faut s’attendre à des réactions brutales. Si on veut gérer la menace terroriste, la question n’est donc pas uniquement de savoir ce qu’il se passe dans la tête des personnes qui commettent les attentats mais surtout de mieux comprendre les conséquences de nos actions.


Est-ce une question que se posent nos hommes politiques?

Pas vraiment. En Belgique, le débat est faible. Nous alignons notre politique étrangère et de défense sur celle de nos alliés, c’est-à-dire les États-Unis et l’OTAN. Pour répondre aux attaques, ceux-ci privilégient les opérations qui ont pour objectif l’élimination physique des terroristes, l’érosion de leur potentiel et leur confinement dans les zones éloignées de l’Europe et des États-Unis. De fait, ces actions militaires entretiennent la violence. Ces actions ont, par exemple, des effets dramatiques sur les rapports entre les groupes sociaux dans les zones d’intervention. Elles renforcent certains de ces groupes et en affaiblissent d’autres. Elles ont donc des effets politiques déstabilisants mais qui ne sont guère reconnus dans le débat public.

Lorsque la question des effets politiques est tout de même posée, elle l’est généralement à travers des grilles d’analyse de type "ethnique" ou "ethno-religieuse". Or, à bien des égards, ces grilles sont un héritage de l’époque coloniale pendant laquelle elles contribuaient à la pratique du "diviser pour mieux régner". De nos jours, lorsqu’on décide, afin de lutter contre le terrorisme, d’armer tel ou tel "groupe ethnique", on tend à reproduire ce genre de dynamique. Même si cela ne constitue pas un objectif consciemment recherché, on fragmente bien plus que l’on ne stabilise en s’appuyant sur cette grille d’analyse.

Par ailleurs, on remarque que les décideurs tiennent trop peu compte des effets des actions militaires sur les populations civiles. Ce qui importe avant tout, c’est de contenir la menace terroriste aussi loin que possible, quitte à participer à l’anéantissement de certaines villes, comme on l’a vu en Syrie ou en Irak.


Une solution est-elle envisageable? Ou sommes-nous condamnés à vivre perpétuellement avec la menace terroriste?

Il n’y a pas de solution miracle. Toutefois, certains choix politiques peuvent contribuer à réduire l’intensité de tensions actuelles. Avant toute chose, il faudrait éviter d’avoir recours à des discours matamoresques ou manichéens qui enveniment la situation. Il s’agirait également de respecter scrupuleusement le droit international, mais aussi de faire pression sur nos alliés pour qu’ils l’observent de manière systématique. Par ailleurs, il faut réinvestir dans la diplomatie, notamment à l’ONU. Les discussions ne vont pas tout résoudre, mais revenir à des conceptions de sécurité moins agressives, comme on en a connu dans les années 70 en Europe dans un contexte de guerre froide, me semble une bonne idée. La sécurité se construit plus avec l’Autre que contre l’Autre. Enfin, je pense qu’il faudrait éclaircir les enjeux économiques sous-jacents à certaines situations conflictuelles, non des moindres ceux liés aux ressources énergétiques au Moyen-Orient.

Rappelez-vous

Mercredi 22 mars

Un an après les attentats de Bruxelles, une voiture percute des passants sur le pont de Westminster, à Londres. Un homme en sort et poignarde un policier à l’extérieur du Parlement britannique. En mai et juin, le Royaume-Uni est encore une fois ciblé: attentat-suicide à la sortie d’un concert à Manchester, camionnette fonçant sur la foule du London Bridge.

Des attentats ont aussi lieu à Stockholm, Saint-Pétersbourg, Barcelone, Cambrils...

Mais l’Europe n’est pas la seule atteinte par cette vague meurtrière: le Nigéria, l’Irak, l’Afghanistan, l’Egypte, le Pakistan, l'Iran sont lourdement touchés par ces violences.