Chaque mois, l'ULB et son Union des anciens étudiants éditent un magazine intitulé "Esprit libre". Pour permettre au plus grand nombre de le lire, notamment nos diplômés séjournant à l'étranger, nous vous proposons ici une version "Web" du magazine. Pour des raisons de simplicité et pour vous éviter le chargement de fichiers trop lourds, cette version a sa mise en page propre dans laquelle nous avons choisi de ne garder que les textes et de ne pas reprendre les illustrations.

Après cette poignée de semaines où la plupart d'entre nous ont eu le privilège de retrouver leurs racines et le temps de vivre le temps, voici venu le moment du courage. Je ne parle pas uniquement de celui, anecdotique, qui consiste, comme le veut l'expression consacrée, à " reprendre le collier ", mais du courage tout court. Pratique. Effectif. Quotidien.

Ce grand courage, et de l'imagination, il en a fallu aux six personnalités hors du commun que nous allons honorer le seize novembre de cette année.

Fadela Amara, présidente de " Ni Putes Ni Soumises " lutte jour après jour contre le machisme et les violences masculines, la régression du statut des femmes et l'obscurantisme, les atteintes à la laïcité, à l'égalité et à la mixité. Le juge Baltasar Garzon se bat avec détermination pour les droits humains, contre toutes les formes de terrorisme, qu'il soit privé ou d'État - comme dans le cas de Pinochet. Pierre Goldschmidt, en qualité de directeur général adjoint de l'Agence de l'énergie atomique, a joué un rôle-clef dans le combat contre la prolifération nucléaire, cette malédiction moderne. Alpha Oumar Konaré, ancien président démocrate du Mali, fait la guerre à la guerre, à la malnutrition, à l'exploitation éhontée du continent africain. Robert Maistriau, ancien étudiant de l'ULB, membre du Groupe G depuis 1942, a participé à l'opération de résistance qui a arrêté le 20e convoi en route pour les camps de concentration nazis. Radhia Nasrahoui défend courageusement de nombreux opposants Tunisiens, la liberté d'expression, la démocratie.

Voilà les porteurs de Lumières, voilà les dignes représentants de l'Humanité auxquels notre Conseil d'administration unanime a décidé de décerner le titre de Docteur Honoris Causa. Toutes et tous ont su défier, à un moment de leur existence, les lâchetés collectives. Ces femmes et ces hommes ont refusé de se laisser intimider et bâillonner par le politiquement correct et les totalitaires de toutes étiologies.

L'exemple de cette Ligue des gens extraordinaires nous invite, en tant que membres de l'Université libre de Bruxelles, à nous mobiliser comme jamais pour la liberté de conscience et le libre-examen, à agir pour l'égalité de toutes et de tous sans distinction, en droits comme en devoirs, devant les règles communes librement et démocratiquement décidées. Ils nous rappellent, au sein de l'ULB comme à l'autre bout du monde, dans notre vie académique comme dans notre pratique citoyenne, l'impératif catégorique du respect de l'autre et de l'échange. Oui : ces six-là secouent délibérément les petits conforts et les slogans confortables, en nous montrant que le courage et l'imagination ne constituent pas, comme les habitants de Sirius le prétendent avec de petits pincements de bouches méprisants, des valeurs ringardes ou théoriques, des voeux pieux ou des slogans moralisateurs. Ce sont les conditions sine qua non de la liberté et de la dignité.

Je rêve que notre Université se fasse, aujourd'hui comme hier, le porte-drapeau de ces valeurs-là. En guise de souhait de rentrée, ce sont elles que j'aimerais partager avec vous.

Pierre de Maret
Recteur de l'ULB